CECI n'est pas EXECUTE 7 mars 1878

1878 |

7 mars 1878

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

7 mars 1878*

Chère Madame, nous avons reçu très exactement, d'abord vos deux journaux, puis vos deux lettres Radziwill, Caqueray1 et fragments de journaux anglais. Nous vous remercions du tout avec avis sentiment de votre bonté qui ne se contente pas de penser en gros à ses amis et n'oublie jamais le moindre détail de ce qui les préoccupe. C'est en effet, une bien grosse affaire que de savoir ce que nous destine le règne de Léon XIII : c'est tout simplement la question qui doit décider de l'aggravation des hostilités jusqu'aux dernières catastrophes ou d'un temps d'arrêt et d'une paix relative par l'impulsion d'une main vigoureuse au gouvernail. Si j'étais condamné à me prononcer immédiatement, je dirais que toute annonce une volonté indécise et une main tremblante ; mais, ayant la faculté d'attendre, j'attends, et je passe en revue les innombrables difficultés qui ont assailli, dès le premier jour, la porte du nouveau Vatican. L'archevêque de Rennes2 semble être mort exprès pour offrir une éclatante occasion de mettre fin à toutes les incertitudes par le choix de son successeur et la remise de son chapeau. Mais à supposer, que Léon XIII accordât aujourd'hui ce que Pie IX a si obstinément refusé, le gouvernement français aura-t-il, à cette heure-ci, les mêmes dispositions qu'il y a un an ? Si Paris ou Hyères vous dit quelque chose là-dessus, ne nous le laissez pas ignorer, je vous en prie. Et le cardinal Franchi3 ? Sa figure, dans les journaux illustrés, ne me plaît pas du tout : il est trop gras et ressemble trop au curé du Tremblay. Mais je m'en rapporterai mieux à vous qu'aux journaux illustrés. Je tiens trop au numéro de l'Univers qui m'a apporté l'admirable mandement du cardinal Pecci4 pour m'en dessaisir même en faveur de l'Union de l'Ouest ; mais j'ai écrit à Jules André5 pour le presser très vivement de le retrouver Angers et de l'insérer avec de justes actions de grâces. Mon frère6 et Rossi7 écrivent très exactement, mais en style assez diplomatique qui laisse percer beaucoup de satisfaction pour ce qui touche le Pape, et assez d'inquiétude ce qui vient du gouvernement italien.

Mme de Caradeuc8 va très passablement et demande si vous avez illuminé Rochecotte, comme on l'a fait à Noyant, à la Douve, et à la fenêtre du vicaire qui n'en avait point averti son curé.

A. de F.

 

*Fonds Castellane, Archives nationales.

1Charles de Caqueray et son épouse, propriétaires du château de La Salle, à Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire).

2Mgr Brossais venait de mourir, le 27 février 1878. Brossais Saint-Marc Godefroy (1803-1878), prélat. Ordonné prêtre pour le diocèse de Rennes en 1831, il fut nommé évêque de cette ville par Louis-Philippe en 1841. Ardent orléaniste, il contribua néanmoins à l'attachement de ses diocésain à l'Empire ce qui lui valut de devenir le premier archevêque de Rennes. Il fut élevé au cardinalat par Pie IX lors du consistoire du 17 septembre 1875.

3Allessandro Franchi (1819-1878), prélat romain. Ordonné prêtre en 1842, il fut nommé archevêque de Thessalonique en 1856 puis nonce à Madrid (1868). Élevé au cardinalat en 1873, préfet de la Congrégation pour la Propagation de la Foi en 1874, Léon XIII le choisit comme Secrétaire d'État en mars 1878.

4Le pape Léon XIII.

5Jules André est alors le rédacteur en chef de L'Union de l'Ouest que dirige alors Arthur de Cumont.

7Rossi, Alessandro (1818-1898), industriel et homme politique italien. Monarchiste et catholique, il fut élu député en 1866 puis sénateur quatre ans plus tard.

8Emilie-Marie-Charlotte de Caradeuc, née de Martel (1801-1882), mère de Marie de Falloux.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «7 mars 1878», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1878,mis à jour le : 11/04/2016