CECI n'est pas EXECUTE 19 septembre 1878

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19 septembre 1878

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

19 septembre 1878*

Chère Madame, nous avons tous été bien touchés des quatre lignes au crayon courageusement tracé sur le lit de douleur de la pauvre Madeleine1, et si je ne l'en remercie pas directement, c'est pour ne pas l'induire de nouveaux en tentations de générosité.

Nous remercions bien vivement Mlle Dubois ; nous voyons enfin à quel vrai péril nous avons échappé ; nous y proportionnons nos actions de grâces, et nous formons bien des vœux pour que le capricieux cheval qui fait passer si soudainement de l'ennui à la douleur soit envoyé dans un régiment de cavalerie en garnison à Perpignan ou à Dunkerque !

Les Candé2 sont venus dîner avant-hier avec M. de Perrochel3 qui s'inquiète fort de sa prochaine session. J'ai donné à Paul de Candé le buste de Monsieur Thiers qui a fait l'admiration universelle, veuillez bien le dire à Guérin. Je l'ai offert comme récompense civique à Paul [Brillet de Candé] qui s'était donné beaucoup de soins au comice4, la semaine dernière. Ma conversation très sérieuse avec le député de la Sarthe5 m'a conduit à me formuler à moi-même mes propres pensées, ce que je fais désormais bien rarement, et, le lendemain, c'est-à-dire hier, j'en ai envoyé un court résumé à l'Union de l'Ouest, sous forme de lettre d'un abonné. Si l'Union de l'Ouest consent à la publier, ce dont je ne suis nullement sûr, elle devra se trouver dans le numéro qui vous arrivera en même temps que cette lettre. J'espère que vous m'y auriez reconnu à ma douceur ; mais, pour plus de sûreté, je vous avertis et si la lettre vous arrive, je demande instamment qu'elle soit lue devant l'abbé Couvreux par le curé de Saint Patrice6.

Mon frère7 a dû quitter Paris mardi matin, se rend en directement à Rome pour travailler avec Mgr Jacobini8. Espérons qu'il va bien mettre à profit les lumières qu'il aura reçues de la princesse Radziwill9.

Que vont faire les d'Haussonville10 ? Seront-ils admis à Rochecotte comme consolation, ou seront-ils momentanément exclus comme fatigue ? Ah ! Comme notre pensée tourne sans cesse autour de cette chère malade !

A. de F

 

 

*Fonds Castellane, Archives nationales.

1Madeleine de Castellane (1847-1934), née Leclerc de Juigné ; elle était, depuis le 3 avril 1866, l'épouse d'Antoine de Castellane.

2Paul Brillet de Candé (1837-1913) et son épouse habitent à Noyant-la-Gravoyère, une commune voisine du Bourg d'Iré.

3Perrochel Fernand Clovis Ludovic de (1843-1881), homme politique. Conseiller général du canton de Saint-Patern, dans la Sarthe, il fut élu député de ce département en 1876 et réélu en 1877 et en 1881. Il siégea avec l'Union des droites jusqu'à sa mort.

4Comice agricole de Segré auquel Falloux participe régulièrement.

5M. de Perrochel, voir note supra.

6Commune d'Indre-et-Loire où se situe Rochecotte, le château de Pauline de Castellane.

8Lodovico Jacobini (1832-1887), nonce à Vienne depuis 1874, il avait été nommé cardinal en 1879, et sera nommé secrétaire d'État en 1881.

9Marie Dorothée Élisabeth Radziwill, princesse (1840-1915), née de Castellane, elle est la fille de Pauline de Castellane, la châtelaine de Rochecotte. Le 3 septembre 1857, elle avait épousé à Sagan, en Pologne, Frédéric-Guillaume-Antoie, prince Radziwill (1833-1904), militaire prussien. Femme de lettres, on lui doit la publication des Souvenirs de sa grand-mère, la Duchesse de Dino, Chronique de 1831 à 1862, Paris, Plon, 1909-1910, 4 vol.

10Haussonville, Joseph Othenin Bernard de Cléron, comte d’ (1810-1884), diplomate et homme politique. Il commença sa carrière de diplomate comme attaché à l’ambassade de France à Rome auprès de Chateaubriand en 1929. Après la révolution de 1830, il continua sa carrière diplomatique à Bruxelles, Turin et Naples. Il avait épousé en 1836 la sœur d’Albert de Broglie, Louise Albertine de Broglie. Ayant démissionné de ses fonctions de secrétaire d’ambassade en 1842, il se fit élire à la Chambre des Députés (collège de Provins). Ayant protesté contre le coup d’état du 2 décembre, il se réfugia quelque temps à Bruxelles. Collaborateur de la Revue des Deux Mondes, il fut l’un des chefs de file de l’Union libérale. Le 29 avril 1869, il fut élu à l’Académie française. Après la chute de l’Empire, il se tint à l’écart de la vie politique. Le 15 novembre 1878, il fut néanmoins élu, en tant que républicain conservateur, sénateur inamovible.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «19 septembre 1878», correspondance-falloux [En ligne], 1878, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République,mis à jour le : 30/04/2016