CECI n'est pas EXECUTE 16 septembre 1878

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16 septembre 1878

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

16 septembre 1878*

Chère Madame, j'adresse par votre entremise les plus vifs remerciements à Mlle Dubois1 ; mais je ne puis prendre sur moi de m'en tenir à la reconnaissance, et j'ai encore une invincible indiscrétion à ma faire pardonner. La lettre d'hier quelque bonne et détaillée qu'elle soit, ne nous apprend pas encore ce que nous nous demandons sans cesse, c'est-à-dire comment l'accident est arrivé. Le cheval s'est-il abattu ou a-t-il désarçonné son habile amazone ? La tête a-t-elle souffert dans la chute ou le bras seul en a-t-il porté tout le poids ? Je voudrais bien faire grâce de la réponse là-dessus ; mais notre sollicitude en a vraiment besoin, et j'ose espérer que la charité de Mlle Dubois en prendra compassion. Nous lui demandons aussi la mesure autant que possible du contrecoup sur votre propre santé.

J'ai écrit avant-hier à Madeleine2 pour Madame de Caradeuc et pour Loyde comme pour moi. Elles sont bien unies à votre émotion, et je ne les ai empêchées de vous le témoigner elles-mêmes quand promettant que vous m'agréeriez tous comme interprète. Mon frère3 vous a-t-il écrit ? Dans sa pensée, sa première lettre devait me trouver encore à Rochecotte et me chargeait de faire valoir sa profonde gratitude envers tous. Je ne l'ai pas détrompé à ce sujet ; mais je crains qu'il n'en résulte un tort apparent qui serait bien plutôt la faute que la sienne. Il est très content de l'archevêché de Paris4 et paraît faire assez aisément son deuil du voyage de Vienne, puisque l'intérêt des négociations a été transporté à Rome par le rappel de Mgr Jacobini5. Pour mon compte, je ne puis pardonner à Monsieur le coadjuteur6 de Paris être allé à Chartres présider aux véritables tréteaux que se dresse maintenant de ville en ville M. de Mun avec un parterre d'intrigants et d'imbéciles, aux dépens des malheureux ouvriers dont on se moque et de l’Église dont assurément on se moque encore plus. Quand l'expérience a parlé tant de fois et si haut, je ne puis plus croire à la parfaite innocence des aveuglements prétendus pieux, et on est bien forcé de découvrir derrière ces prétendues zèles de bien tristes mobiles !

Comment ce pauvre abbé Couvreux a supporté aussi sa part de la commotion commune ? Comment vont Monsieur et Madame de Juigné7 ? Comment va Boni {de Castellane]8 ? Ne voyez que ces questions-là dans ma lettre, chère Madame, et ne faîte répondre qu'à elles.

Aucun Fitz-James9 n'a paru à la Lorie ni au comice. N'avez-vous pas pu empêcher le duc de Chaulnes10 de passer la nuit en chemin de fer ? L'aveuglement de sa femme est aussi de ceux pour lesquels l'indulgence me paraît impossible et qui mérite un tout autre nom.

 

 

*Fonds Castellane, Archives nationales.

1Secrétaire de Pauline de Castellane.

2Madeleine de Castellane (1847-1934), née Leclerc de Juigné ; belle-fille de Pauline de Castellane, depuis son mariage le 3 avril 1866, avec Antoine de Castellane.

4Mgr Guibert, Joseph-Hippolyte (1802-1886), archevêque de Paris. Nommé évêque de Viviers en 1841, puis archevêque de Tours en 1857, il était plus gallican que libéral. Il ne montra guère de sympathie pour L’Univers. Il avait été nommé archevêque de Paris en 1871 en remplacement de Mgr Darboy tombé sous les balles des Fédérés.

5Lodovico Jacobini (1832-1887), nonce à Vienne depuis 1874, il avait été nommé cardinal en 1879, et venait d'être nommé secrétaire d'État.

6Mgr Richard, François Marie Benjamin (1819-1908), coadjuteur de Mgr Guibert. Ordonné prêtre en 1845, il avait été nommé évêque de Belley en 1871, puis de 1875 à 1885 coadjuteur du cardinal Guibert auquel il succédera le 8 juillet 1886. Gallican, il avait peu à peu évolué vers un ultramontanisme modéré.

7Juigné, Charles Gustave Leclerc de, comte (1825-1900), homme politique. Député de Loire-Inférieure de 1871 à 1898. Légitimiste ardent, il se fit inscrire à la réunion des Réservoirs. Sa fille Madeleine, mère de Boniface dit Boni et de Stanislas dit Bichette avait épousé Antoine de Castellane.

8Boniface dit Boni de Castellane (1867-1932), fils d'Antoine de Castellane et petit-fils de Pauiline de Castellane.

9Les Fitz-James, demeurent dans leur château de la Lorie, près de Segré, en Maine-et-Loire, et donc voisins de Falloux auquel ils étaient liés d'amitié.

10Paul d'Albert, duc de Luynes, duc de Chaulnes (1852-1881).


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «16 septembre 1878», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1878,mis à jour le : 22/04/2019