1876 |
2 février 1876
Alfred de Falloux à Jules de Bertou
2 février 1876
Cher ami, L’Etoile d’hier traduit fidèlement les renseignements que vous avez recueillis à si bonne source au passage1. Vous l’avez vu reproduisant sans réserves la circulaire de Monsieur Bourlon de Rouvre2, nous la voyons le lendemain attaquer Monsieur de Soland3, son adversaire, comme nous l’avions vu précédemment attaquer Monsieur Guibourd4. La résolution est donc bien prise et la partie bien liée : on votera au premier tour pour Monsieur de Bourlon de Rouvre anti-clérical, contre Monsieur de Soland chrétien modèle de tout temps et à toute épreuve ; on ne votera pour Monsieur Janvier5 qu’au second tour si Monsieur de Terves6, qui annonce de plus en plus l’intention de se taire, ne provoque pas par son silence l’enthousiasme des populations.
Le chagrin de votre départ n’a point diminué, comme vous pouvez le croire, souffrance que vous laissiez derrière vous et la pauvre Marie7 à eu en outre de sa souffrance, celle, peut-être plus vive, de revoir Madame Caradeuc8 . Ce matin les deux messes ont remis la fille et la mère sur pied. Don Guilloteau nous a égayé par la citation de Monsieur Réveillard, correspondant du Patriote, sur l’académie de Combrée9. « Le premier devoir, a-t-il dit, était pour Monsieur de Narcé et le second pour moi. Mais, tout républicain que je suis, je n’aurais pas été aussi sévère que pour la royauté je lui aurais rendu plus de justice ».
Les accidents de la petite Bertin sont tout à fait calmés, Monsieur Poitevin la considère comme sauvée pour cette fois.
Vous voyez, cher ami que le Bourg d’Iré vous rend compte de lui-même comme quelqu’un qui compte bien sur vous et qui sait que vous concilierez au fond de votre cœur Ouest et le Midi. Aussi sont-ce les sentiments les plus vrais que je vous demande de faire agréer à Peyrehorade10 en y joignant mille vœux de revoir tout particulier pour Monsieur Raphaël, quand nous pourrons le convier à moins de tristesses. Loyde11 a été bien sensible à votre visite chez son chanoine et ne me pardonnerait pas si j’oubliais de vous le dire, cher ami, avant de vous embrasser tendrement.
Alfred
Rien de Rochecotte
1Il s’agit des élections cantonales des 7 et 14 mars 1876.
2Bourlon de Rouvre, Léopold (1820-1905), préfet de Maine-et-Loire de 1857 à 1865, bonapartiste. Il était candidat dans le canton d’Angers sud-est, celui où se présentait également Théobald de Soland, un ami proche de Falloux.
3Soland, Théobald de (1821-1906). Venu suivre les cours de droit à la Faculté de Paris, il s'était lié avec Augustin Cochin, puis avec A. de Falloux. Revenu en Anjou en 1851, il entra dans la magistrature, puis devint conseiller Cour d'appel d'Angers. Entré au Conseil général en 1870, il fut élu député le 5 mars 1876 et constamment réélu jusqu'en 1898. Il siégea avec la droite.
4Guibourd de Luzinais, Ernest (1834-1899), juriste et homme politique. Conseiller général du canton de Pouancé depuis 1871. Il sera élu sénateur de Loire Atlantique de 1886 à sa mort, et maire de Nantes de 1886 à 1892.
5Motte, Louis Eugène Janvier de la (1849-1894), grand propriétaire, maire de Juvardeil (Maine-et-Loire) et conseiller général du canton de Chateauneuf-sur-Loir (Maine-et-Loire). Se présentant comme bonapartiste, il sera élu au 2ème tour de 1876.
6Terves, Léonce Pierre Gabriel, comte de (1840-1916), homme politique. Candidat conservateur-royaliste en 1876 dans l'arrondissement de Segré, il sera battu par son adversaire bonapartiste, Louis Janvier de La Motte. Plus heureux dans le même arrondissement, le 21 août 1881, M. de Terves fut élu député par 7.688 voix (14.298 votants, 17.489 inscrits), contre 6.421 au député sortant.
7Marie de Falloux, son épouse.
8Caradeuc, Emilie-Marie-Charlotte de, née de Martel (1801-1882), mère de Marie de Falloux.
9Petite bourgade angevine, proche du Bourg d'Iré et où fut créé un collège catholique peu après le vote de la loi de 1850.
10Commune du département des Landes
11Loyde de Falloux (1842-1881), fille unique des Falloux. Atteinte de nanisme, elle était de santé fragile.
