CECI n'est pas EXECUTE 11 février 1876

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11 février 1876

Alfred de Falloux à Jules de Bertou

11 février 1876

Cher ami, je plains beaucoup M. Bernoville de son cruel voyage et vous de son absence. Vous ne me dites pas s’il reviendra bientôt près de vous, mais en attendant cette certitude, je fais bien des vœux pour cela.

Madame de Castellane m’a envoyé, pour faire passer à Carné1 une longue lettre de son écriture sollicitant un prix Monthyon pour Mademoiselle Biermant. L’abbé Couvreux a accompagné la lettre de quelques mots dans lesquels il disait qu’Antoine [de Castellane] avait un redoutable concurrent conservateur et que sa femme2 écrivait à Rochecotte aussi raisonnablement que tristement. On a lieu de croire que la dernière perte est de 30 000 Fr., mais on est sûr de rien, sinon que le perdant n’en restera pas là3 !

J’ai eu hier la visite de M. de Terves4, sous la garde de Perraudière5 dans le canton de Segré, après avoir parcouru le canton de Pouancé6 sous la garde d’Armand de Narcé, ce qui était moins bien trouvé. Sa profession de foi, faites beaucoup plus par son drogman que par lui, a consisté en ceci : je ne fais pas de circulaire parce qu’il est difficile de contenter tout le monde ; je n’annonce pas que je me désisterai au second tour en faveur de M. Guibourd7, dans le cas où son chiffre serait supérieur au mien, parce que je ne sais pas si cela conviendrait à tous mes électeurs ; je ne veux certainement pas favoriser M. Janvier8, mais il faut reconnaître que sans ma candidature il aurait passé au premier tour. Je m’étais bien promis, en le voyant entrer, de le laisser sortir sans querelle, mais aussi de lui faire entendre ce qu’une loyale franchise m’inspirerait. Je crois avoir résolu ce problème et citent depuis hier il n’est pas convaincu que ses maîtres sont beaucoup plus polonais que français, ce n’est pas ma faute, quoi que nous nous soyons séparés avec les poignées de main et plus cordiale. Du reste, cher ami, si j’ai perdu mon temps, ne me reprochez pas, car vous avez bien perdu le vôtre à la Douve9 et Henry10 a témoigné à M. Letort11 le mardi aussi clairement qu’à moi mercredi qu’il ne voterait ni pour M. Janvier, ni pour M. Guibourd. M. de Terves ou la mort…. de Pologne !!!

Nos santés ne disent rien de neuf, ni moi non plus, comme vous voyez et je vous embrasse pour me consoler.

Alfred

 

Bien loin de bouder aux dominos, Loyde12 me charge de vous dire qu’elle a gagné neuf parties sur douze.

1Carné, Louis Joseph Marcelin comte de (1804-1876), historien et journaliste légitimiste ; attaché et secrétaire d'ambassade sous la Restauration ; il s’était rallié à la Monarchie de Juillet. Il fut un de ceux qui collaborèrent au Correspondant dés sa fondation. Député du Finistère (collège de Quimper) de 1839 à 1848, il appartint au Parti social de Lamartine, puis défendit les intérêts catholiques. Sous le Second Empire, il collabora au nouveau Correspondant, au Journal des Débats, à la Revue des Deux Mondes et à la Revue Européenne. Il avait été élu à l’Académie le 23 avril 1863 contre Émile Littré.

2Madeleine de Castellane (1847-1934), née Leclerc de Juigné ; sa belle-fille, mariée le 3 avril 1866 avec Antoine de Castellane.

3Antoine de Castellane venait de perdre cet argent au jeu.

4Terves, Léonce Pierre Gabriel, comte de (1840-1916), homme politique. Candidat conservateur-royaliste en 1876 dans l'arrondissement de Segré, il sera battu par son adversaire bonapartiste, Louis Janvier de La Motte. Plus heureux dans le même arrondissement, le 21 août 1881, M. de Terves fut élu député par 7.688 voix (14.298 votants, 17.489 inscrits), contre 6.421 au député sortant.

5Perraudière, Joseph Le Tourneux de La (1832-1917), légitimiste, il est grand propriétaire à Lué-en-Baugeois (Maine-et-Loire), commune dont il est le maire.

6Canton limitrophe du canton de Segré.

7Guibourg de Luzinais, Ernest (1834-1899), juriste et homme politique. Conseiller général du canton de Pouancé depuis 1871. Il sera élu sénateur de Loire Atlantique de 1886 à sa mort, et maire de Nantes de 1886 à 1892.

8Motte, Louis Eugène Janvier de la (1849-1894), grand propriétaire, maire de Juvardeil (Maine-et-Loire) et conseiller général du canton de Chateauneuf-sur-Loir (Maine-et-Loire). Se présentant comme bonapartiste, il sera élu au 2ème tour de 1876.

9Propriété du comte Henry d'Armaillé, située au Bourg d'Iré.

10Armaillé Henry Louis de la Forest, comte d' (1822-1882), propriétaire foncier demeurant au château de La Douve, au Bourg d'Iré. Marié le 17 mars 1851 avec Célestine Marie Amélie, née de Ségur de Ponchapt (1830-1918).

11Médecin de famille des Falloux.

12Loyde de Falloux (1842-1881), fille unique des Falloux. Atteinte de nanisme, elle était de santé fragile.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «11 février 1876», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1876,mis à jour le : 03/10/2018