1881 |
17 juillet 1881
Alfred de Falloux à Pauline de Castellane
Le 17 juillet 1881
Chère Madame,
Maintenant que vous voici revenue satisfaite de votre voyage qui m’avait beaucoup inquiété, je m’empresse de m’en réjouir avec vous et de vous féliciter des douces émotions que j’aurais voulu partager que j’ai retrouvé dans La Défense et qui ont inspiré à L’Univers l’agréable article que vous devez retrouver ci-inclus. Je soutiens depuis bien des années, que ces gens-là n’ont jamais une distraction dans la haine ; en voici une preuve de plus.
Je suis charmé qu’Henry Cochin1 ait trouvé le pape2 mieux portant et en ait été bien accueilli ; ce bon accueil, comme tous les autres, reste toujours dans le domaine de la bonne grâce et ne porte jamais sur une idée, mais nous avons été accoutumé à un tel régime sous Pie IX que nous devons encore considérer la bonne grâce comme un heureux événement. Je suis d’autant plus curieux de ce qui vous a été dit sur le cardinal Jacobini3.
Vous voulez bien me demander, chère Madame, ce que je dis de l’encyclique4. Je n’en dis rien, mais j’en pense beaucoup et je sortirai de mon silence pour vous quand je pourrai jouir de votre retour. Je ne sais si vous faites au Correspondant l’honneur de lui demander de vous suivre à Évian ; à tout hasard, je vous annonce qu’il a placé l’encyclique en tête de son dernier numéro5. Je ne vous parle que de ce qui m’intéresse ; c’est pour cela que je ne vous dis rien de moi. Quant à Madame Caradeuc6, elle supporte d’une façon étonnante une chaleur qui accable tout le monde. Veuillez, à la première occasion, me mettre au pied de la princesse R7. J’avais bien pensé à vous deux en lisant dans les journaux les mauvaises nouvelles de la reine de Prusse. Veuillez passer la coupure de L’Univers à l’abbé Couvreux dont j’attends les nouvelles avec impatience.
A. de F.
1Henry Cochin (1854-1926), fils d'Augustin Cochin, l'ancien directeur du Correspondant et ami de Falloux, homme politique, il était spécialiste de l'histoire et de la littérature italienne de la Renaissance. Il est alors à Rome.
3Lodovico Jacobini (1832-1887), nonce à Vienne depuis 1874, il avait été nommé cardinal en 1879, et venait d'être nommé secrétaire d'État.
4Publiée le 29 juin 1881, l’encyclique Diuturnum Illud était consacrée aux principes généraux de politique. Reconnaissant le mode de désignation démocratique, Léon XIII est, sur ce point, en rupture avec son prédécesseur.
5L’encyclique Diuturnum Illud sera effectivement publiée en tête du Correspondant du 10 juillet 1881.
6Emilie-Marie-Charlotte de Caradeuc, née de Martel (1801-1882), belle-mère de Falloux.
7Marie Dorothée Elizabeth Radziwill, née de Castellane (1840-1915).
