1882 |
27 mai 1882
Alfred de Falloux à l'abbé Couvreux
Samedi matin {27 mai]** 1882*
Cher Monsieur l’abbé,
La longue agonie de Mme de Caradeuc1 s’est terminée ce matin, à 8 h. sans connaissance et sans souffrance. Elle avait reçu l’extrême onction du dimanche dernier et je ne vous en avais pas informé, pour ne pas affliger prématurément Mme de Castellane qui a tant besoin de ménagements. Mardi nous avons cru que Dieu allait la rappeler au moment même où l’on disait la messe pour l’anniversaire de sa fille2, mais le calme relatif est revenu et s’est prolongé jusqu’à ce matin. La sépulture aura lieu au moment où vous receviez cette lettre.
Le jour du service n’est pas encore fixé, parce que je ne veux pas manquer au scrutin de l’évêque d’Autun3 ; bien que le succès paraisse assuré, on peut toujours redouter de la part du gouvernement une manœuvre de la dernière heure.
J’ai ménagé Albert de Rességuier autant que Rochecotte, car l’état de ses yeux rend désormais les voyages inquiétants pour lui. Melle Dubois voudrait-elle bien écrire un mot de ma part à Antoine [de Castellane] et à la princesse Radziwill4?
Priez Dieu pour moi et demandez lui bien spécialement de m’accorder les vertus de la solitude comme j’en ai la résignation.
Falloux
*Archives nationales. Fonds Castellane.
**Le décès de la belle-mère de Falloux (voir lettre de Falloux à Mme de Castellane du 10 juin 1882), Mme de Caradeuc nous permet de dater cette lettre.
1Emilie-Marie-Charlotte de Caradeuc, née de Martel (1801-1882), belle-mère de Falloux.
2Marie de Falloux (1821-1877) était morte le 24 mai 1877.
3Mgr Perraud Adolphe Louis Albert (1828-1906), prélat. Prêtre de l'Oratoire de France en 1855, professeur d'histoire de l’Église à la Sorbonne en 1865, il fut nommé évêque d'Autun en 1874, puis cardinal en 1893.Normalien de la promotion About, Sarcey, Taine, Weiss, il fut l'auteur de plusieurs ouvrages religieux, l'Histoire de l'Oratoire en France au XVIIIe et au XIXesiècle, de plusieurs études sur le cardinal de Richelieu, le Père Gratry, d'oraisons funèbres et de panégyriques. Il fut élu à l'Académie le 8 juin 1882 en remplacement d'Auguste Barbier qui avait exprimé, avant de mourir, le désir de l'avoir pour successeur, et reçu le 19 avril 1883 par Camille Rousset. Lorsque S. E. le cardinal Perraud arriva au conclave de 1903 qui suivit la mort du pape Léon XIII, le cardinal camerlingue le complimenta et le félicita d'appartenir à l'Académie française.
4Marie Dorothée Élisabeth Radziwill, princesse (1840-1915), née de Castellane, elle est la sœur d’Antoine de Castellane et donc la fille de Pauline de Castellane, la châtelaine de Rochecotte. Le 3 septembre 1857, elle avait épousé à Sagan, en Pologne, Frédéric-Guillaume-Antoine, prince Radziwill (1833-1904), militaire prussien. Femme de lettres, on lui doit la publication des Souvenirs de sa grand-mère, la Duchesse de Dino, Chronique de 1831 à 1862, Paris, Plon, 1909-1910, 4 vol.
