1879 |
13 juin 1879
Alfred de Falloux à l'abbé Couvreux
13 juin1879*
Cher Monsieur l’abbé,
Les journaux ne nous avaient point appris la mort du duc de Périgord1 sans quoi je n’aurais pas manqué d’écrire à Madame de Castellane mes profondes condoléances, car je prévoyais bien tout le chagrin que lui causerait cette perte. Je crains même qu’elle ne commette l’imprudence d’aller prendre sa place dans la cérémonie funèbre et c’est pourquoi je vous adresse ce petit mot plutôt qu’à elle, afin que vous soyez, dans tous les cas, mon interprète et celui de tout le Bourg d’Iré.
Madame de Caradeuc2 ne va pas mal en ce moment, mais à la durant mon séjour de Paris de vives souffrances hépatiques que l’on avait cachées par ordre de Monsieur Letort3, qu’il me les a confessés avant hier, dans une visite où il a constaté que l’eau de Vichy, et d’autres remèdes produisaient l’effet voulu. Vous voyez que mon inquiétude instinctive n’était pas sans fondement
Auriez-vous la bonté de faire connaître au bureau de poste de Saint-Patrice4 mon adresse exacte : la lettre de la duchesse de Gallierra5 a été envoyée je ne sait plus où et ne m’est revenu qu’après deux ou trois pérégrinations qui m’ont fait frémir quand j’ai lu le contenu : il y avait un effet un autographe fort aimable pour moi du comte de Paris et que je me suis hâté de restituer à la rue de Varenne6 également fort aimable aussi et bien amusante sur le chapitre Marmier7.
Je ne demande pas si vous avez lu Lefevre-Pontalis8 sur le cardinal Bessarion9, mais si en lisant le passage sur les petites gens les petits motifs qui compromettent toujours les plus grandes causes vous m’avaient trouvé assez libéral dans mon insistance pour l’insertion de cet article ?
Nous venons d’avoir encore quatre premiers prix au concours de Poitiers avec d’autres animaux que ceux de Laval10.
Je vais écrire à Juigné11 pour y rappeler la promesse envers le Bourg d’Iré et nos vœux ardents pour le bon effet des eaux. De vos nouvelles, de vos nouvelles.
*Archives nationales. Fonds Castellane.
1Augustin Marie Hélie Charles de Talleyrand-Périgord (1788 -1879).
2Emilie-Marie-Charlotte de Caradeuc, née de Martel (1801-1882), belle-mère de Falloux.
3Médecin de la famille Falloux.
4Saint-Patrice, commune d’Indre-et-Loire où se situe Rochecotte, propriété de Mme de Castellane.
5Marie, duchesse de Galliera, née Brignole-Sale (1812-1888). Situé au 57 de la rue de Varenne, son hôtel tenait lieu de salon où se réunissaient les principaux leaders légitimistes et orléanistes, partisans pour la plupart de la «fusion». C'est aujourd'hui l’hôtel Matignon.
6Lieu de résidence du comte de Paris dans la capitale.
7Xavier Marmier (1808-1892), journaliste et écrivain. Rédacteur en chef de la Revue germanique, puis administrateur général de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, il propagea en France la langue et la littérature allemandes. Il avait donné des leçons de littérature aux deux filles de Louis-Philippe, Clémentine et Marie. Il collabora également à la Revue des Deux Mondes. Il fut élu à l’Académie française le 19 mai 1870. On lui doit un Journal (1848-1890) important qui fut publié en 1968 (Droz, 812 p.).
À la suite d'un incident, et sur la proposition de Mézières, il fut substitué à Émile Ollivier pour recevoir Henri Martin le 5 juin 1879 .
8Jules-Amédée Lefèvre-Pontalis 1833-1901), avocat, homme d'affaires et homme politique français. Il collabora au Correspondant.
9Jean Bessarion (1403-1472), cardinal et érudit byzantin.
10Les bovins élevés dans la ferme de Falloux obtenaient souvent des prix.
11Château de Juigné, à Juigné-sur-Sarthe (Sarthe). C'est la propriété des Leclerc de Juigné auxquels les Castellane sont alliés par le mariage de leur fille Madeleine (1847-1934) avec Antoine de Castellane.
