CECI n'est pas EXECUTE 24 novembre 1880

1880 |

24 novembre 1880

Alfred de Falloux à Couvreux

24 novembre 1880*

Cher Monsieur l’abbé,

Au moment où je me réjouissais des bonnes nouvelles de l’archevêque de Rennes1 confirmatives des bonnes nouvelles d’Albert de Broglie, survient une lettre de mon frère annonçant que le pape est très sérieusement malade, qu’il ne voit presque plus personne, s’épuise de travail et que si le cardinal Jacobini2 ne sait pas mieux l’en décharger que ne le faisait le cardinal Nina3, un prochain malheur est fort à craindre. Quant au cardinal Jacobini lui-même, mon frère déclare l’avoir connu tout jeune et en répond comme d’un homme tout à fait européen.

Quant aux quatre évêques qu’on nous fait attendre depuis six mois, ils étaient nommés. Le quatrième était l’abbé Lamazou4 nommé à Gap ; celui-là n’a été décidé et n’a été averti qu’à la dernière heure ; il a refusé, ce qui a empêché toute la promotion de paraître à l’Officiel, la semaine dernière. L’abbé Lamazou m’écrit cela lui-même, mais ne me donne pas les noms des trois autres promus et acceptants. Je ne puis donc rien vous apprendre sur Poitiers, sinon que Mgr de Briey5, candidat favori du nonce pour Poitiers, très désiré par l’abbé Gay6, très veuillotin, par conséquent, est promptement refusé par le gouvernement. Personne dans tout cela ne me parle de l’abbé Bernard7; en tout cas, je vais reprendre la chapellenie du Correspondant, qui ne peut nuire à un épiscopat, même aujourd’hui.

J’attends avec impatience la nomination du sénateur inamovible8 ; si le centre-gauche et la droite ne parviennent pas à faire passer leurs candidats, la magistrature est bien malade. Des gens bien informés du côté des Charrette disent qu’on renonce à accuser de crime le général pour le soustraire au jury et qu’on se borne au délit de presse pour l’envoyer en police correctionnelle, que dès lors la condamnation est certaine et que M. de Charette9 va passer en Angleterre. Il a bien raison de ne pas se mettre entre les mains des écoliers de Danton ! Mais il est triste de se poser en tranche-montagne pour aller rejoindre Félix Pyat10 à Londres11 ?

Et toutes les santé de Rochecotte ?

A. de F.

 

 

*Archives nationales. Fonds Castellane.

1Charles Philippe Place (1814-1893) succéda, le 15 juin 1878 à Mgr Brossay Saint-Marc à la tête de l'archidiocèse de Rennes. Ordonné prêtre en 1850, il fut vicaire de Mgr Dupanloup à Orléans, puis séjourna à Rome comme auditeur de Rote pour la France. Préconisé évêque de Marseille en 1866, il fit partie de la minorité opposée au dogme de l’infaillibilité pontificale. Autant dire que Mgr Place était plutôt de l'école de Mgr Dupanloup que de celle de Mgr Pie.

2Lodovico Jacobini (1832-1887), nonce à Vienne depuis 1874, il avait été nommé cardinal en 1879.

3Nina, Lorenzo, Mgr (1812-1885), prélat italien. Membre de la curie romaine, il fut préfet de la Congrégation des Etudes, puis secrétaire d'état (1878-1880). Il avait été élevé au cardinalat en 1877.

4Mgr Lamazou (1828-1883), ordonné prêtre en 1854, vicaire à Saint-Sulpice puis à La madeleine, il sera détenu comme étage durant la Commune pendant quelques jours (19 au 28 mai 1871). C’est en définitive à Limoges qu’il sera nommé évêque (17 février 1881).

5Briey de Landres, Marie-Camille-Albert de (1826-1888), docteur en théologie, il fut ordonné prêtre en 1861, et nommé évêque de Saint-Dié le 26 avril 1876.

6Gay, Charles Louis (1815-1892), ancien vicaire de Mgr Pie.

7Bernard, Eugène (1833-1893), abbé, successeur du Père Gratry à l’École Normale Supérieure.

8Voir lettre de Falloux à l’abbé Couvreux du 28 novembre 1880.

9Charette de la Contrie, Athanase Charles Marie de (1832-1911), militaire. Ayant rejoint, en mai 1860, l'armée pontificale comme capitaine des volontaires franco-belges, il participa à la bataille de Castelfidardo au cours de laquelle l'armée pontificale fut mise en déroute et où il fut blessé. Élu député à l'Assemblée nationale de 1871, il refusa d'y siéger par fidélité au comte de Chambord.

10Pyat, Félix, Aimé (1810-1889), journaliste et auteur, il fut un des personnages de premier plan de la Commune.

11Ayant disparu de Paris le 22 mai, il s’était exilé à Londres où il demeura jusqu’à l’amnistie.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «24 novembre 1880», correspondance-falloux [En ligne], BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1880, Troisième République,mis à jour le : 18/04/2019