CECI n'est pas EXECUTE 20 janvier 1883

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20 janvier 1883

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

20 janvier 1883*

Chère Madame,

Je suis en effet bien ému pour la pauvre France, mais un peu consolé cependant par l’indignation que je vois éclater de toutes parts contre les instructions de Goritz1. Pousser et compromettre tout le monde, provoqué à tort et à travers, et rester constamment dans la coulisse est un rôle sur lequel on commence à ouvrir les yeux. Le cri : abdication ! Indication ! sortira bientôt de toutes les bouches, si j’en juge par ce qui se passe autour de moi dans les régions les plus voisines de l’Étoile et même dans le camp de l’Étoile elle-même. Quant à la persécution républicaine, elle n’est certainement pas dans l’air. Personne n’a envie de rester enfermé dans la ménagerie, sans garder quelqu’un pour ouvrir la porte, je persiste à croire que l’intrigue aumalienne2 a plus de compères qu’elle n’en a l’air. Néanmoins quel malheur que la mort de Chanzy3.

Votre lettre de ce matin m’a fait regarder notre grand Hôtel de plus près, car je ne vous avais écrit que sur la parole d’autrui. Je n’ai rien à rabattre sur la beauté et la bonne position de l’hôtel en lui-même. Mais la rue sur laquelle s’ouvrent quelques fenêtres est pavée et non macadémisée. Ne rejetez donc pas légèrement les pauvres presbytères. Si cependant vous amenez l’abbé Couvreux et Biche4, alors faites cadeau à Madeleine5 de son voyage à Angers. J’ai six tasses, j’ai six verres, par conséquent je pourrais vous nourrir matin et soir tous les quatre. Je ne compte guère que sur Antoine [de Castellane] qui ne voudrait pas venir une seconde fois, sans quoi j’achèterai bien pour lui une septième tasse et un septième verre. Toutefois que ces perspectives alléchantes ne vous fassent pas faire d’imprudence chère Madame. J’ai encore plus besoin de votre santé que de ma joie.

 

A. de F.

 

*Archives nationales. Fonds Castellane.

1Goritz ou Goritzi (Slovénie) résidence du comte de Chambord en exil. Il y sera enterré.

3Chanzy, Alfred Antoine Eugène (1823-1883), général. Il fut nommé commandant de l'armée de la Loire pendant la guerre franco-prussienne. Élu des Ardennes à l'Assemblée nationale de 1871, il siégea au centre gauche. Le 10 décembre 1875, il est élu sénateur inamovible. Son attachement au maréchal Mac Mahon et son hostilité à la politique anticléricale l'éloigne peu à peu de ses amis du centre gauche.

4Stanislas (1875-1959), dit « Biche », petit-fils de Pauline de Castellane.

5Madeleine de Castellane (1847-1934), née Leclerc de Juigné ; elle était, depuis le 3 avril 1866, l'épouse d'Antoine de Castellane.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «20 janvier 1883», correspondance-falloux [En ligne], 1883, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République,mis à jour le : 01/12/2019