1883 |
26 décembre 1883
Alfred de Falloux à Pauline de Castellane
26 décembre 1883*
Chère Madame,
Si j’ai retardé d’un jour ou deux le départ de ma très exacte correspondance, je croyais m’en être excusé d’avance en vous annonçant la présence du P. Didon1. C’est lui, en effet, qui a pris surmontant de charmantes lectures avant le déjeuner et de très intéressantes promenades dans le vieux Angers après déjeuner. Cela ne m’a cependant pas empêché de remercier Madeleine2 d’une très aimable lettre, dont je la remercie encore et qui était mise par moi au compte de Rochecotte. Ce matin, c’est de mon précieux Gotha que je vous remercie. Aucun cadeau, chère Madame, ne pourrait être plus utile à mon ignorance et M. André3 au nom de qui je vous remercie également, acquittera sa dette et la mienne en vous écrivant avec un redoublement d’exactitude.
Je me suis fait lire plusieurs fois votre lettre du 26 pleine des détails les plus curieux. Je ne puis pardonner à la comtesse de Chambord4 de m’avoir mystifié comme elle l’a fait je la crois désormais capable de tout, excepté de ce qui est bien la restitution de Chambord à la France, par exemple. Quant au pape5 et au Kromprinz6 je suis ravi qu’ils aient été contents l’un de l’autre, je souhaite cependant que l’on ne s’en vante pas trop à Rome. Sinon, on fera tout échouer encore une fois et toute la bonne volonté de votre correspondante ne pourra plus rien.
Je reçois à l’instant une lettre de M. de Soland me disant que très probablement on va nommer l’évêque d’Arras7 archevêque de Tours. Si cela se vérifie, cela vaudra presque Mgr Turinaz8. Toute la famille de Mgr Meignan est angevine, lui-même m’est connu de vieille date. Il a été aumônier et rédacteur du Correspondant. Il est jeune pour un évêque et vous arrivera avec les idées les plus sympathiques en général et en particulier. Comme aucun évêque vivant, ce n’est un foudre de guerre néanmoins je crois qu’il sera profondément désagréable à Mgr Freppel et c’est pourquoi je vous le dis en terminant, chère Madame, afin que cela vous fasse commencer l’année et tout Roche cote aussi sous les agréables auspices que je vous souhaite de tout cœur.
A. de F.
*Archives nationales. Fonds Castellane.
1Didon Henri Louis Rémy (1840-1900), dominicain. Élève du petit séminaire, il avait pris l'habit dominicain dés 1856. Il avait été ordonné prêtre en 1862.
2Madeleine de Castellane (1847-1934), née Leclerc de Juigné ; sa belle-fille, mariée le 3 avril 1866 avec Antoine de Castellane.
3Secrétaire de Falloux.
4Marie-Thérèse, comtesse de Chambord (1817-1886), veuve d’Henri d’Artois, comte de Chambord qu’elle avait épousé en 1846. Elle était aussi princesse de Modène, princesse royale de Hongrie et de Bohême, et archiduchesse d’Autriche-Este.
6Guillaume Ier, roi de Prusse (1861-1888), puis empereur allemand (1871-1888), né Frédéric Louis de Hohenzollern,
8Turinaz, Charles, François (1838-1918), évêque de Moutiers-Tarentaise depuis 1873, il sera nommé évêque de Nancy le 23 mars 1882.
