CECI n'est pas EXECUTE 8 juillet 1880

1880 |

8 juillet 1880

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

8 juillet 1880*

 

Chère Madame,

 

J’espère que vous arriverez à Evian en même temps que ce petit billet et je l’envoie pour saluer ce débarquement ainsi que celui de M. le chanoine1, avec mille vœux pour que l’efficacité des bains dédommage vous et vos amis des tristes jours que nous venons de traverser. Ils ne touchent pas à leur terme, ni nos sottises non plus, car on m’annonçait ce matin que malgré toutes les supplications contraires, Mgr Freppel d’accord avec Cassagnac2, allait défendre l’amnistie plénière3, à condition qu’on ferait grâce au reste des congrégations4. La gauche avait sa réponse toute prête et déjà formulée dans un ordre du jour dont on me donne le texte, mais je vous en fais grâce, puisqu’un dernier effort, sans doute, a vaincu la double obstination d’Alsace-Bretagne5. C’est toujours quelque chose que de reculer quand on sait si mal sauter !

Je plains beaucoup l’abbé Couvreux de la privation que lui impose Mgr d’Albi6, mais je le félicite de se retrouver ainsi à vous, avec le père Gagarin, en sus, je l’espère aussi pour tous trois7.

Si le bon père est réellement votre voisin, veuillez lui dire combien je suis occupé de lui et combien je lui demande de me faire dire par l’un de vous deux quelles sont ses résolutions les plus prochaines ; pour mon compte, je ne ferai plus de conjectures sur rien jusqu’à ce que nous ayons vu comment va se terminer le conflit avec le Sénat et la journée du 14 juillet8. Je suis peu porté à croire aux catastrophes immédiates et je ne crois pas que le Luxembourg et ses invalides soient pris mercredi prochain, comme la Bastille ; cependant qui pourrait affirmer que c’est impossible ?

Mme de Caradeuc9 est dans un état de plus en plus triste, cependant elle s’est bien amusée avec nous de l’article du Figaro et surtout des toasts Dauphinois10. Vous devrez recevoir demain, chère Madame, cinq nouveaux exemplaires de ma conférence ; voudrez vous bien en remettre un de ma part au père Gagarin ?

Au revoir prochain, j’espère.

A. de F.

 

 

*Archives nationales. Fonds Castellane.

1Abbé Couvreux.

2Cassagnac, Bernard-Adolphe (1806-1880), journaliste et homme politique. Partisan de la dynastie d’Orléans sous la monarchie de Juillet. Bonapartiste extrême sous la Seconde République, il applaudit au coup d’état et soutint Napoléon III par son activité littéraire. Il fut membre du Corps législatif. Il avait fondé, en 1849, le quotidien Le Pays, devenu l'organe du parti bonapartiste.

3Il s’agit de la proposition de Jules Ferry d’amnistier les condamnés des insurrections de 1870 et de 1871.

4Plusieurs congrégations non autorisées étaient alors menacées d’expulsion.

5?

6Mgr Ramadié (1812-1884), vicaire à Lunel (Hérault), puis à Béziers (Hérault), il avait été nommé évêque de Perpignan en 1865, puis archevêque d’Albi en 1876.

7Pauline de Castellane avait rejoint l’abbé Couvreux et le père Gagarin, en cure à Evian.

8Le 6 juillet 1880, une loi faisant du 14 juillet une journée de Fête nationale annuelle venait d’être promulguée.

9Emilie-Marie-Charlotte de Caradeuc, née de Martel (1801-1882), mère de Marie de Falloux. Elle était alors très malade.

10?


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «8 juillet 1880», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1880,mis à jour le : 30/12/2019