CECI n'est pas EXECUTE Novembre 1884

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Novembre 1884

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

Novembre 1884*

 

 

Chère Madame,

J’ai trouvé M. André1 arrivé à bon port, comme moi et je me hâte d’accaparer sa plume en votre honneur.

M. l’archevêque2 m’a comblé des bontés les plus affectueuses ainsi que M. Deschamps3. J’avais été, avant la grand-messe de la cathédrale, à la petite messe matinale dans la chapelle de Saint-Martin qui était l’objet spécial de ma dévotion et j’ai été frappé, à la vue des lieux, de l’impossibilité absolue du plus grandiose. Monseigneur m’a paru enchanté de mon témoignage à ce sujet et mettra beaucoup de prix à l’approbation de Rochecotte que je me permettais de lui transmettre. L’apparition de son mandement dans LUnion de l’Ouest a été retardée par celle de documents pressés. On me promet qu’elle aura lieu lundi ou mardi et le numéro sera directement envoyé à Tours. Je vous envoie ce matin la réponse de Mgr Guthlin4 à la lettre qu’on vous a lue et une lettre intéressante d’Hilaire de Lacombe. Je vois avec plaisir que son impression sur Mgr Coullié5 est assez analogue à la mienne et si sa nouvelle pour le cardinal Guibert6 se confirmait, je croirais encore qu’il faut commencer par se montrer indulgent pour arriver à se montrer satisfait. Je n’ai pas bien compris son paragraphe sur le comte de Paris. Il y a même un mot que M. André et moi avons lu avec difficulté et peut-être mal lu, dans cette phrase : « j’ai été étonné et peiné de la défection qui semblait régner là où jusque-là, l’esprit de modération…. » le mot défection me paraît bien gros. Si en mettant vos lunettes, chère madame, et en appelant Monsieur Couvreux au secours vous parvenez à en lire un autre, j’en serais charmé. Si, en définitive le mot douteux veut dire l’abbé d’Hulst7 et peut-être le duc de Broglie sur l’acceptation anticipée d’une encyclique mitigée, j’en serai désolé, car je persiste à croire que toute encyclique écrite au Vatican, sous les aspirations actuellement dominantes, sera lamentable. Mgr Guthlin le croit évidemment aussi et ses précautions dans la copie de ma lettre sont d’un bien mauvais augure. Albert de Rességuier m’a dit qu’il avait une lettre de moi à la clôture du concile disant : » Je ne croyais pas le Saint Esprit si pressé d’obtenir la séparation de l’Église et de l’État ! » Si le Saint Esprit continue à se maintenir dans cette disposition, qu’y pouvons-nous, chère Madame, sinon nous résigner et nous soumettre de bonne grâce sans nous y associer et sans comprendre. Ce sera le triomphe de la foi.

Au milieu de tout cela, je ne dois pas oublier de vous répéter l’empressement avec lequel Mgr Meignan s’est hâté de m’apprendre qu’il avait donné dans votre sens une solution définitive à l’affaire de l’aumônier et des sœurs que vous aviez fort à cœur. Si vous dictez un mot à Melle Dubois prouvant que je n’ai pas oublié sa commission et l’en remerciant, j’en serais charmé et surtout lui aussi. Je comptais retourner à la Riche entre mon déjeuner et mon départ mais Mgr Meignan m’ayant invité à déjeuner à midi, c’est Ernest qui a été voir Malherbe à ma place. Il était très dévotement à la messe dans l’église de la Riche8. Ernest a été l’y rejoindre et est revenu très édifié du tout. M. Herpin9 n’avait encore rien prononcé sur la durée du séjour mais il avait déjà fait venir un homme pour prendre la mesure de l’appareil, ce qui doit faire penser qu’il ne veut pas perdre de temps.

Merci encore mille fois, chère madame. Je vous quitte pour écrire à Lavedan et lui dire votre commission.

 

A. de F.

 

Archives de Maine-et-Loire

 

1Secrétaire de Falloux.

2Mg Meignan.

3Dechamps, Adolphe (1807-1875) homme politique belge, député de Charleroi, ministre des Travaux publics (1843-1845), puis des Affaires étrangères (1845-1847). Leader des catholiques belges, il est comme son frère Mgr Deshamps, évêque de malines, proche des catholiques libéraux.

4Guthlin, Joseph (1850-1917), ordonné prêtre en 1871, devenu professeur d'apologétique au Grand Séminaire de Strasbourg (1871), il part en 1878 à Rome pour y faire des études en droit canonique. Docteur en droit canon il devint conseiller de Léon XIII.

5Pierre-Hector Coullié (1829-1912), successeur de Mgr Dupanloup à l'évêché d'Orléans.

6Mgr Guibert, Joseph-Hippolyte (1802-1886), archevêque de Paris. Nommé évêque de Viviers en 1841, puis archevêque de Tours en 1857, il était plus gallican que libéral. Il ne montra guère de sympathie pour L’Univers. Il avait été nommé archevêque de Paris en 1871 en remplacement de Mgr Darboy tombé sous les balles des Fédérés.

Voir la lettre du 7 novembre 1884 de Lavedan à Falloux in Correspondance d’Alfred de Falloux avec Léon Lavedan (1862-1886). Édition établie, présentée et annotée par Jean-Louis Ormières, Paris, Honoré Champion,2013, 2 vols.

7Hulst Maurice Le Sage d'Hauteroche d' (1841-1896), vicaire général de Paris, il avait ét é le fondateur, en 1875, de fut, comme Vicaire général de Paris, chargé par le Cardinal Guibert de fonder en 1875 l'Institut catholique de Paris, dont il fut le Recteur de 1881 jusqu'à sa mort. Il fut aussi député du Finistère et prélat domestique du pape. On le désigne souvent comme « Mgr d'Hulst ». L’abbé d’Hulst s’était rendu auprès du Saint-Siège pour dissuader Léon XIII de publier une encyclique qui condamnerait les exagérations des deux fractions du catholicisme français.

8La Riche, commune de l’Indre-et-Loire.

9Médecin de Pauline de Castellane.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «Novembre 1884», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1884,mis à jour le : 19/05/2021