CECI n'est pas EXECUTE 18 novembre 1884

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18 novembre 1884

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

18 novembre 1884*

Chère Madame,

 

 

Les affaires romaines marchent lentement, mais enfin elle marchent. Rossi1 soulève beaucoup de difficultés que je ne crois pas toutes de très bonne foi, mais grâce, tantôt à M. Guthlin2, tantôt à M. Gasnier, nous finissons par nous entendre.

Cependant, je suis le plus en plus convaincu que si je m’éloignais de M. Gasnier avant que tout fut irrévocablement signé, je commettrais une grosse imprudence.

La lettre de Léon XIII au nonce3 est infiniment plus nette est infiniment meilleure que celle à l’évêque de Périgueux. Je vous envoie LUnivers d’hier dont vous aurez peut-être vu déjà un extrait dans Le Figaro, à sa revue des journaux. On me dit de divers côtés qu’on est très redevable de ce bon résultat à l’article auquel M. Couvreux, M. Chapon4, et vous, chère Madame, avez pris tant de part. Monsieur Lavedan m’écrit sur ce sujet avec beaucoup d’entrain et beaucoup de conviction. Pour mon compte, je ne puis en féliciter aussi complètement ni vous-même, ni moi. Je crois que l’article du Correspondant a été très utile, mais en ce sens qu’il a percé à jour la vieille tactique romaine qui consistait à laisser L’Univers parler comme il voulait et tant qu’il voulait, en faisant seulement à ses adversaires une loi du silence et des convenances et, quand on a vu ce joug inégal franchement secoué et Monsieur de Broglie, seul résigné avec Le Français, on a senti qu’il était désormais impossible de faire faire un seul côté et on a pris son parti de faire taire tout le monde. Assurément c’est déjà un bon résultat, mais les journaux de gauche, notamment La république française font justement observer que le syllabus continue à être recommandé et imposé sans être défini et sans que l’interprétation de Mgr Dupanloup demeure autre chose qu’un expédiant du premier moment. Cela est vrai aussi et, soit sous une forme soit sous une autre, ravivera certainement la querelle parce qu’au fond, c’est la société moderne elle-même et tout entière qui est en cause. Dès que je pourrai me rendre à Rome, je m’y rendrai et ce sera le thème que j’essaierai de présenter au pape, après avoir commencé par le remercier du pas considérable qu’il vient de faire dans sa lettre au nonce. C’est probablement la dernière fois d’ici un certain temps que je vous enverrai L’Univers. Mais, comme on l’a dit : « Heureux le peuple dont l’histoire est ennuyeuse », il faut dire maintenant : heureux les journaux dont la lecture est ennuyeuse et ne pas cesser de s’en réjouir en s’en ennuyant.

 

A. de F.

 

*Archives de Maine-et-Loire.

 

1Rossi Giovanni Battista (Carlo) de (1822-1894), archéologue italien. Fondateur de l'archéologie chrétienne, il devint célèbre à l'étranger pour ses découvertes des catacombes chrétiennes.

2Guthlin, Joseph (1850-1917), ordonné prêtre en 1871, devenu professeur d'apologétique au Grand Séminaire de Strasbourg (1871), il part en 1878 à Rome pour y faire des études en droit canonique. Docteur en droit canon il devint conseiller de Léon XIII.

3Mgr Di Rende (1847-1897),qui venait de succéder à Mgr Czacki était beaucoup moins favorable aux catholiques libéraux que son prédécesseur.

4Chapon, Henri-Louis (1845-1925), ecclésiastique. Ordonné prêtre le 22 mai 1869 par Mgr Dupanloup, il sera vicaire général et chanoine honoraire de Nantes (1894) puis nommé évêque de Nice en 1896.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «18 novembre 1884», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1884,mis à jour le : 25/01/2020