1884 |
11 décembre 1884
Alfred de Falloux à Pauline de Castellane
11 décembre 1884*
Chère Madame,
J’espère que l’adoucissement du temps se sera fait sentir moralement à Rochecotte et cette espérance s’ajoute à l’empressement et au plaisir que j’éprouve en vous priant de dire à Biche1 le tourangeau que j’ai trouvé du premier coup chez les libraires d’Angers le pilote et Waverlay, très élégamment reliés en carton et toile dorée, avec une foule d’images. Je me suis hâté de m’en emparer pour Malherbe et je me proposais de la lui porter moi-même le 6 ou le 7 janvier, date à laquelle je compte être libre, par les raisons que j’ai données hier à l’abbé Couvreux, mais si le pauvre Malherbe doit retourner encore à La Riche2 peut-être sera-t-il content d’avoir ses deux volumes pendant son petit exil. Dans ce cas, veuillez me le dire et je lui enverrai aussitôt par la poste ce double souvenir et de Biche et de moi.
Hier aussi, Monsieur de Rességuier m’envoyait chez un très élégant tapissier d’Angers pour y commander une sixième ou septième table à ouvrage qu’il donne successivement à ses filles, petites-filles ou amies de petites-filles. C’est l’analogue très élégant de la piteuse table à ouvrage faite évidemment par un menuisier de campagne, qui sert à Madeleine [de Castellane]3 dans le salon de Rochecotte. Comme ce bijou est extrêmement peu cher, je me suis décidé à l’offrir en étrennes à Madeleine [de Castellane]. Je l’aurais même envoyé dés aujourd’hui, si le chef-d’œuvre que j’avais sous les yeux n’était recouvert en velours marron. J’ai demandé du velours jaune la table étant destinée à un salon jeune, mais le tapissier et la tapissière m’ont répondu que le jaune réussirait mal, que du jaune neuf à côté d’un jaune plus ancien ferait un contraste désobligeant pour la tenture en particulier et pour l’œil en général. J’ai donc ajourné ma décision jusqu’à votre réponse, chère Madame, car je crois l’objection fondée et une couleur neutre comme le marron préférable.
Au revoir prochain, j’espère.
*Archives de Maine-et-Loire.
1Stanislas (1875-1959), dit « Biche », petit-fils de Pauline de Castellane.
2La Riche, commune de l’Indre-et-Loire.
3Madeleine de Castellane (1847-1934), née Leclerc de Juigné ; elle était, depuis le 3 avril 1866, l'épouse d'Antoine de Castellane.
