CECI n'est pas EXECUTE 17 novembre 1878

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17 novembre 1878

Théobald de Soland à Alfred de Falloux

Versailles, 17 novembre 1878

 

J’espère, cher ami, que vous êtes maintenant délivré de vos misères du commencement de l’hiver, je viens m’en assurer et vous demander de vos nouvelles. Vous avez lu le compte rendu de la séance de M. de Mun. Quand vous recevrez cette lettre ; je ne vous apprendrai rien en vous disant que vous n’ avez point converti la fougueuse et impolitique fondation des Cercles Catholiques, il a aggravé encore plus ses explications. Sa formule de la Contre Révolution1, jusqu’à présent ce pouvait être la de l’ancien régime, maintenant avec sa théorie de la volonté de Dieu opposée à la volonté de l’homme, c’est le fantôme de l’ancien régime avec la théocratie pour le compléter car la volonté de Dieu se manifeste sans doute par la décision et les ordres de l’autorité religieuse compétente, c’est la société civile soumise et subordonnée à l’Église. Enfin en attaquant le 18 Brumaire et la servitude impériale le lendemain du succès de l’élection des inamovibles et la veille des élections sénatoriales, M. de Mun a failli rompre l’alliance des droites sur le terrain de la défense sociale. J’ai le regret de dire que ce n’est pas par défaut de coup d’œil politique ou par entraînement que ce pétard a été tiré à la fin de la péroraison, c’était parfaitement voulu. J’ai causé avec l’orateur qui m’a demandé si j’étais satisfait de l’hommage qu’il vous a rendu, je lui ai répondu que sa courtoisie ne m’avait pas surpris, mais que j’avais entendu des récriminations très vives de la part des bonapartistes et que je désespérais d’empêcher Robert Mitchell2 un césarien démocratique, de monter à la tribune. A mes regrets de ces divisions étalées devant nos ennemis, De Mun m’a répondu en me disant qu’il fallait pour la droite (lisez pour lui) la contrepartie du succès de Cassagnac3, c’est pour obtenir ce triomphe personnel qu’il a dirigé contre l’Empire un trait qui pourrait bien le blesser lui-même au moment de sa réélection et compromettre celle de ses amis au Sénat.

J’ai voulu vous envoyer ces détails qui peuvent vous intéresser. Je ferme ma lettre au moment où on lève la boite de de la salle des conférences d’où je vous écris, je n’ai que le temps de vous envoyer l’assurance de ma fidèle affection.

M. de Soland

 

 

1Hostile à la campagne d’A. De Mun pour une contre révolution irréconciliable avec la République, Falloux le fait savoir en publiant une brochure, De la Contre-Révolution, Paris, Douniol, 1878.

2Mitchell, Robert (1839-1916), journaliste et homme politique. Collaborateur de plusieurs journaux, rédacteur en chef de La Presse, puis directeur du Soir jusqu’aux élections de 1876, aux cours desquelles il sera élu député bonapartiste de la Gironde (arrondissement de La Réole).

3Cassagnac, Paul-Adolphe-Marie de Granier de (1842-1904), écrivain, historien et homme politique français. Hostile à la République qu’il baptise la « Gueuse », il se veut le défenseur du Roi et de Dieu. Élu député de la circonscription de Mirande (Gers) des 1876 à 1902, il s'opposa aux lois scolaires et à la politique coloniale du gouvernement. En 1883, une vive altercation avec Jules Ferry à propos de l’affaire du Tonkin lui vaudra d’être exclu de la Chambre.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «17 novembre 1878», correspondance-falloux [En ligne], CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République, 1878,mis à jour le : 31/03/2020