Année 1848 |
7 mai 1848
Alfred de Falloux à Guillaume et Louise de Falloux
Paris, 7 mai 1848
Si M. de Lamartine1 est ferme, il est maître de la situation et peut compter sur une vigoureuse majorité, malheureusement je doute beaucoup plus de lui que de l'Assemblée. Il m'a personnellement fait le meilleur accueil et toutes mes anciennes connaissances de la chambre aussi, y compris Ledru-Rollin2 auquel j'ai rendu sa poignée de main très froidement. Demain ou après demain nous voterons sur son maintien au pouvoir ou son exclusion. Je me suis déjà prononcé très nettement dans mon bureau pour le dernier parti et la presqu'unanimité m'a soutenu. L'affaire aurait été enlevé hier au soir, si le gouvernement provisoire n'avait exprès entassé discours sur discours et profité des dispositions matérielles à corriger dans la salle pour faire remettre la séance à lundi. J'espère que d'ici là la disposition ne changera pas, toutefois les ajournements en pareils cas sont toujours regrettables. M. de Kerdrel3 et Victor de Puységur4 ont fait aussi une campagne active chacun de leur côté et plusieurs républicains de la veille, M. Jamet5 en tête, nous donnent l'exemple ou nous secondent. Nous sommes lui et moi du même bureau. Il vous envoie les plus tendres souvenirs. Je suis fort bien placé dans la salle à côté de M. Demesmay6 (l'auteur de la proposition sur le sel), M. de Malleville7, et M. Coquerel8, le pasteur protestant qui avait si bien parlé de M. Guerry9. M. de Montalembert10 n'est pas loin, M. Berryer à quatre ou cinq bancs au-dessus de moi. Louis Blanc11 a une charmante figure et parle de la manière la plus pittoresque; on ne pourrait se défendre d'un grand attrait pour lui s'il n'exprimait d'autres idées.
Le P. de Ravignan12 sort de chez moi; il ne parle pas de Rome comme Frédéric13. Toutefois il n'a aucune inquiétude pour la vie du pape14 ni de personne.