CECI n'est pas EXECUTE 30 novembre 1855

Année 1855 |

30 novembre 1855

Paul de Noailles à Alfred de Falloux

Paris, 30 novembre 1855

Monsieur le vicomte,

Vous aurez été foudroyés comme nous par la perte que nous venons de faire. Nous savons tous les motifs que vous avez de regretter M. Molé par l’amitié qu’il avait pour vous. Nous avons songé dans son intérêt, comme dans le vôtre, à sa succession à l’académie. J’ai été à la séance d’hier en causer avec les principaux, et nous avons tous été d’avis, qu’il était désirable à tous égards que vous fussiez nommés à sa place1, plutôt qu’à celle de M. Lacretelle2. MM. Guizot, Salvandy3, St Marc Girardin4, Berryer, Villemain5, Vitet6, Cousin, très vivement, se sont prononcés dans ce sens, en arrêtant qu’il faudrait que les deux élections se fissent le même jour pour ne rien compromettre. M. Legouvé7 sera reçu en décembre, M. de Broglie, en janvier, et voteront ; la double élection se ferait en février. La famille de M. Molé désire vivement qu’il en soit ainsi, et je crois que vous ne le désirerez pas moins ; personne ne parlera de M. Molé mieux que vous, et n’aimera davantage à en bien parler., Je serais néanmoins bien aise d’avoir votre assentiment à la démarche que j’ai faite et que ces messieurs sachent que je l‘ai. Peut-être faudra-t-il écrire à nouveau (je me sais si vous avez déjà écrit pour M. Lacretelle) à l’académie. Si vous avez l’occasion de venir ici nous en causerions. M. Molé ne pourra malheureusement pas voter pour vous ; mais il fera davantage par son souvenir <mot illisible> dans l’académie. Il assurera votre élection. Vous ne doutez pas de la part personnelle que je prendrai à ce succès doublement intéressant et précieux pour nous dans cette forme. Il y aura mardi prochain un service solennel ici, à la paroisse du Roule8, pour M. Molé. Veuillez agréer, Monsieur le vicomte, la parfaite assurance de tous mes sentiments les plus dévoués.

Le duc de Noailles

1Falloux fut élu en remplacement de Molé le 10 avril 1856.

2Lacretelle Charles (1866-1855), historien, il fut rédacteur parlementaire au Journal des débats pendant l'Assemblée constituante. Auteur d'un Précis historien de la Révolution française, il était entré à l'Académie française en 1811. Il mourut le 26 mars 1855.

3Narcisse-Achille, comte de Salvandy (1795-1856), publiciste et homme politique. Maître des requêtes sous la Restauration, il se rallia à la Monarchie de Juillet. Membre de l'Académie Française (1835), ministre de l'Instruction publique dans le cabinet Molé, de 1837 à 1839, puis de 1845 à 1848.

4Marc dit Saint-Marc Girardin (1804-1873), journaliste et homme politique. Après des débuts comme rédacteur au Journal des débats, il se porta candidat en Haute-Vienne. Élu du centre de 1834 à 1837, il rejoignit la majorité ministérielle de 1837 à 1839. Réélu de 1842 à 1846, puis de 1846 à 1848, il fut membre de la majorité conservatrice. Éloigné de la scène politique après 1848, il poursuivit son étroite collaboration avec le Journal des Débats. Élu à l'Assemblée de février 1871, il fit siégea au centre droit et fut élu vice-président de l'Assemblée en août 1871. Ayant joué, au sein de la droite, un rôle des plus actif à la chute de Thiers, il se sépara du Journal des Débats, rallié à la République, pour entrer au Journal de Paris.

5Villemain, Abel-François (1790-1870), critique littéraire, historien et homme politique français. Nommé professeur de littérature française à la Sorbonne en 1816, il fut élu cinq ans plus tard à l’Académie française. Il fut ministre de l’Instruction publique dans le ministère Soult (mai 1839-février 1840) et dans le ministère Soult-Guizot (octobre 1840-décembre 1844). Contraint, pour des raisons de santé de quitter la scène politique, il rentra dans la vie privée et rédigea plusieurs ouvrages sur l’histoire et la littérature.

6Vitet, Louis-Ludovic (1802-1873). Ancien élève de l’École Normale Supérieure, il collabora au Globe et publia divers ouvrages. Élu député de Bolbec (1834), il devint vice-président du Conseil d’État. Le 8 mai 1845, il entra à l’Académie française. Député à la Législative, il siégea avec la droite monarchiste. Il se retira dans la vie privée après le coup d’État. En 1871, il se fit élire à l’Assemblée Nationale. Il publia plusieurs ouvrages dont, De l’état actuel du christianisme en France, en 1867.

7Legouvé, Ernest Gabriel Jean-Baptiste (1807-1903), auteur dramatique et essayiste. Fils de l'académicien Jean-Baptiste Legouvé (1764-1812), il avait obtenu, en 1827, le prix de l'Académie pour son poème, Découverte de l'Imprimerie. Il était membre de l'Académie française depuis le Ier mars 1855.

8Saint-Philippe du Roule, à Paris.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «30 novembre 1855», correspondance-falloux [En ligne], Année 1852-1870, Second Empire, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1855,mis à jour le : 03/03/2020