1879 |
9 janvier 1879
Alfred de Falloux à Jules de Bertou
9 janvier 1879
Cher ami, M. Lemanceau1 est en deuil de son beau-père, M. Bachelier, vieillard de 82 ans, qu’une complète surdité isolait beaucoup, mais qui n’en a pas moins été fort regretté par sa fille. Un faire-part vous a été adressé et s’il ne vous est point parvenu ce n’est pas la faute de la ferme qui ne vous oublie jamais.
Godivier part demain matin pour Angers et va se mettre lui-même à la recherche de votre volume. Il se croit sûr de le retrouver, affirmant que c’est le soin même qu’on en a pris qui lui a porté malheur. C’est une théorie douteuse, et si elle ne se trouve pas juste, faites-vous venir un autre exemplaire par M. Dolbeau2 et mettre sur mon compte car c’est une restitution à laquelle je suis absolument tenu.
Votre plan de travail me paraît excellent, et j’y applaudis d’avance, sans rien garantir du côté du Correspondant, qui ne m’a point épargné les mauvais tours, croyez-le bien, dans ces derniers temps comme par le passé.
Je me trouve déjà très fier du suffrage de deux étudiants en médecine, et mon ambition n’avait point été au-delà. Par conséquent ma reconnaissance est très vive et vous pouvez vous en faire l’interprète en toute sûreté.
Le nom des nouveaux sénateurs3 ne me disant absolument rien, il faut attendre leurs premiers actes pour savoir de quelle gauche ils sont. Je suis porté à croire que l’ordre matériel ne sera troublé que quand l’ordre moral se sera de plus en plus affaissé, ce qui demande encore un peu de temps, quoique nous soyons déjà bien bas ! Je continue donc, jusqu’à nouvel ordre mon pari que le maréchal4 achèvera son bail.
Comment ce froid traite-t-il votre lumbago et votre gorge ?
Alfred
1Régisseur du domaine du comte de Falloux.
2Editeur d’Angers.
3Au soir du 5 janvier 1879, sur les 82 sénateurs élus, 66 sont républicains, contre 16 conservateurs, dont 13 monarchistes. La défaite du vicomte de Meaux, ancien ministre de l'agriculture, dans le Forez, illustre la victoire définitive des républicains.
