CECI n'est pas EXECUTE 4 décembre 1879

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4 décembre 1879

Alfred de Falloux à Jules de Bertou

Le 4 décembre 1879

Chèr ami,

Mon apostrophe ne s’est adressée ni à Gent1 comme le dit L’Union de l’Ouest, ni à Félix Pyat2 comme le dit Le Patriote, ni à Pascal Duprat3 comme vous l’inventez vous-même, mais à la gauche tout entière dans une réponse à Ledru-Rollin4. J’ai envoyé une rectification à Jules André en lui disant toutefois que je n’y attachais aucune importance ; s’il l’insère, vous serez complètement renseigné; s’il ne la publie pas, je vous la répéterai pour vous tout seul.

J’ai ri en pensant à vous à l’allusion de la République française au passage de Victor Hugo. J’ai dit « voilà qui va fomenter Bertou dans son erreur !» Du reste la malice de La République [française] est aussi inintelligible que la malice à laquelle elle renvoie et je persiste à croire que nous seuls en aurions fait le venin, si nous avions appelé là-dessus l’attention et la polémique.

Quand vous reverrez M. Lemarchand, dites lui que je suis affligé que le mariage ne l’ait pas plus assagi et de le retrouver aussi fou que par le passé. Alexandre VIII5 n’a pas félicité Louis XIV plus vivement que Bossuet et tout le clergé de France. Cela prouve que la révocation de l’édit de Nantes n’était point un péché et qu’en thèse générale, il est bon d’établir le règne de la foi partout où on le peut sans encourir un plus grand mal, mais l’expérience et les moyens qu’ont fut réduit à employer ont démontré qu’on s’était trompé, qu’un plus grand mal en avait résulté et si Alexandre VIII interdisait par le fait d’un seul bref la constatation de la vérité en fait, il n’y aurait plus ni bon sens ni loyauté possible dans l’histoire. Charles IX a reçu aussi des brefs pour la Saint-Barthélemy. Cela oblige-t-il aussi la conscience de Mgr Lemarchand ? Ces gens-là ne sont pas seulement fort ridicules, ils sont fort coupables et pour le plaisir de s’entêter dans de puérils paradoxes sacrifient tous les intérêts de l’Église ; ce qui ne m’empêche pas de prendre une vive part aux souffrances de l’abbé Baudre et à votre inquiétude !

Alfred

1Gent, Alphonse (1813-1894), franc-maçon, avocat et homme politique. Maire d’Avignon, nommé commissaire du gouvernement provisoire dans le Vaucluse après le 24 février 1848. Membre de la Constituante, exilé sous l’Empire, il sera élu député du Vaucluse en 1871 siégeant à l’extrême gauche et sera réélu jusqu’en 1881. Il s’était associé aux 363 qui s’étaient prononcé contre le ministère d’A. de Broglie. Il apporta son soutien à la politique coloniale et scolaire de J. Ferry. Élu sénateur du Vaucluse en 1882, il sera réélu jusqu’à sa mort.

2Pyat, Félix (1810-1889), avocat et homme politique. Nommé commissaire de la République dans le Cher en 1848 il sera élu à l’Assemblée Constituante. Contraint à l’exil après les émeutes du 13 mai 1849, il rentre en France en 1866. Collaborateur de La Démocratie et de Travail, il prit part à la Commune.

3Duprat, Pierre Pascal (1816-1885), publiciste et homme politique. Collaborateur de plusieurs revue de gauche, œuvrant en faveur de la république, il sera élu à l’Assemblée Constituante et réélu à la Législative. Arrêté le 2 décembre, il sera banni. Il revint en France en 1869. Élu député du 17e arrondissement à Paris en 1876 et réélu en octobre 1877, il fait partie des 363 députés qui refusèrent leur confiance au gouvernement de Broglie.

4Alexandre Ledru-Rollin (1807-1874); élu en 1841, il fut l'un des membres importants du parti républicain. Un des fondateurs du journal socialisant, La Réforme. Ayant pris une part prépondérante à la révolution de Février; il avait été nommé ministre de l'Intérieur dans le gouvernement provisoire.

5Pietro Vito Ottoboni (1610-1691), pape sous le nom d’Alexandre VIII de 1689 à 1691.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «4 décembre 1879», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1879,mis à jour le : 13/03/2020