CECI n'est pas EXECUTE 10 juillet 1882

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10 juillet 1882

Antonin Plessis à Alfred de Falloux

Convento de Domenicos, Belmonte (Espagne)1, 10 Juillet 1882

Monsieur le comte,

C’est toute une joie que de revoir d’un coup des amis tels que Madame Swetchine, Cochin, l’évêque d’Orléans2. Et cette joie, c’est à vous que nous la devons. Vous nous avez rendu toutes ces âmes, et, grâce à vous, ce que nous ignorions encore de celle de notre Père nous a été révélé. Mais surtout ce qui console, ce qui fortifie, ce qui fait tressaillir c’est de voir que dans tous ces récits, dans tous ces panégyriques votre âme a passé tout entière. Elle vous est échappée en quelque sorte et vous l’avez laissé aller. Il fait si bon en si bonne compagnie. Il est si consolant de revivre dans le passé quand le présent est si injuste et si misérable. Heureusement une Providence tient toujours <trois mots illisibles> des germes d’espérance pour ensemencer l’avenir. Cet avenir, vous avez voulu l’enseigner encore une fois, vous avez voulu lui répéter la sage leçon que vous donniez il y a 40 ans et plus. Il y a dans votre voix trop de sagesse trop de raison trop de prudence pour qu’on l’écoute peut-être à cette heure. Mais si par malheur on ne vous entend pas quand vos prophétisés l’orage et donner les moyens de s’en garantir, au moins, quand la tempête aura jeté à bas les édifices sans base qu’on élève aujourd’hui, vous serez de ce qu’on écoutera, de de ce qu’on consultera pour apprendre enfin à asseoir sur la vérité et la justice notre pauvre société. Vous serez là, pour rassurer, éclairer, fortifier.

En attendant que vous le fassiez pour tous vous le faites déjà pour nous, Monsieur le comte. Maintenant vous êtes vous retrouvés vos vieux amis Montalembert, Lacordaire etc. en exil. Leur fils et leurs disciples vous attendaient. Et nous pouvons dire de ce coin de notre bibliothèque, comme le poète: Angulus Isse me ridet.

Je ne saurais trop, Monsieur le comte, vous en dire toute ma reconnaissance. Permettez-moi du moins de vous assurer que mes prières ne vous laissent solitaire ni sans vos douleurs intimes ni sans celles qui vous viennent du dehors.

Daignez agréer, Monsieur le comte, les sentiments de ma profonde reconnaissance et de ma respectueuse admiration.

 

Fr. Plessis, Frères Prêcheurs dominicain (1859-1919)

1Suite aux décrets du 29 mars 1880, les novices dominicains se réfugièrent au couvent de Belmonte, situé en Espagne, dans la province de Cuenca.

2Falloux venait de publier Discours et mélanges politiques, Paris, Plon, 1882.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «10 juillet 1882», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1882,mis à jour le : 18/11/2020