CECI n'est pas EXECUTE 8 décembre 1878

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8 décembre 1878

Eugène Poitou à Alfred de Falloux

Nice, 8 décembre 1878

Monsieur le Comte,

Je tiens à m’excuser de ne vous avoir point encore remercier de l’envoi de votre brochure. Elle est venue me chercher à Nice, et ne m’a été remise qu’il y a peu de jours. Ai-je besoin de vous dire avec quel plaisir j’ai relu ce spirituel est éloquent et de la sagesse contre la déraison de l’esprit politique contre le complotisme monarchique ?Louer votre talent, c’est le moindre éloge qu’on puisse vous adresser : ce qui est plus rare c’est le vrai patriotisme, le vrai courage dont vous avez prouvé ; le plus difficile de tous les courages celui de dire la vérité à ses amis, au risque de l’injustice et de la calomnie.

Vous avez rendu au pays un grand service, Monsieur, en signalant le péril, n déchirant tous les voiles. On ne sait pas assez le mal que nous font ces hommes imprudents, esprits honnêtes et étroits illuminés et aveugles qui nous apportent un syllabus politique, comme si ce n’était pas déjà trop de l’autre, en vous accusant de trahison au nom du second comme ils ont voulu vous faire excommunier au nom du premier. On est toujours tenté de leur répéter le conseil de Joseph de Maistre1, de commencer par étudier l’almanach. Vous êtes le dernier survivant de cette glorieuse et généreuse phalange des Montalembert, des Lacordaire, des Cochin, qui a rêvé un jour pour la France l’union féconde de la liberté et de la religion, et qui a été par ceux là même dont elle servait la cause si outragée, si <deux mots illisible>.

Vous défendez toujours, presque seul, et vaillamment, le même drapeau : ce sera l’honneur de votre nom. L’injustice des partis vous laisse <mot illisible> : j’avoue qu’elle mérite et m’indigne toujours. Il me semble pourtant qu’à Rome aujourd’hui, on commence à vous juger mieux. Mais quand la monarchie aura-t-elle son Léon XIII ?

Agréez je vous prie, Monsieur le comte, avec tous mes remerciements, la nouvelle assurance de mes sentiments les plus distingués et les plus dévoués.

E. Poitou

 

1Maistre, Joseph de (1753-1821), philosophe. Savoyard, il était sujet du roi de Piémont-Sardaigne. Magistrat au Sénat de Savoie comme son père, il quitta la Savoie à l'arrivée des troupes françaises en septembre 1792 et se réfugia en Piémont puis en Suisse. Il publia, en 1797, son premier ouvrage Les considérations sur la France. Rentré en Italie en 1799, il fut chargé par le roi de Sardaigne de le représenter auprès du tsar. Il resta en poste à Saint-Pétersbourg jusqu'en 1817. Revenu en Italie, il mourut à Turin. Auteur de plusieurs ouvrages, Essai sur le principe générateur des constitutions politiques (1814), Du Pape (1819) et Les Soirées de Saint-Pétersbourg (ouvrage publié en 1821 peu après sa mort), De Maistre, comme De Bonald, refusa tout compromis avec les principes nouveaux issus de la révolution. Mme Swetchine et Joseph de Maistre avaient lié connaissance en Russie.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «8 décembre 1878», correspondance-falloux [En ligne], 1878, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République,mis à jour le : 19/11/2020