CECI n'est pas EXECUTE 16 juillet 1848

Année 1848 |

16 juillet 1848

Etienne-David Pasquier à ?

Trouville1, 16 juillet 1848

Le Moniteur qui m’oblige si souvent à parcourir au moins, tant de discours insipides, et quelques fois même fort odieux, me devait un dédommagement. Il m’apporte aujourd’hui le discours de Monsieur de Falloux et je le tiens quitte.

Les rapports, trop récents, à mon grand regret, qui se sont établis entre M. de Falloux et moi, m’autorisant cependant à lui adresser des félicitations qui en dehors de leur sincérité, n’ont d’autre mérite que celui de contenir l’expression des sentiments d’un vieil amateur, qui depuis soixante années a vu passer devant lui d’innombrables débats parlementaires, et qui ne se souvient guère d’avoir éprouvé à leur occasion, une satisfaction plus réelle et plus vive que celle qu’il vient de ressentir en lisant le compte rendu de la séance de lundi dans la chambre des représentants.

Cette satisfaction on pense bien qu’il ne la pas puisé dans les phrases de Monsieur de Mornay2 ni même dans les belles déductions de M. le Gal Cavaignac. On pourrait cependant savoir gré à ce dernier de la valeur que sa réputation est venue ajouter aux arguments qu’il a combattus. Ces arguments sont victorieux et sans réplique, mais pourquoi faut-il que je sois réduit à me demander quelle partie nous en pourrons tirer ? Rien à dire, rien à contester sur l’étendue de nos misères, sur la profondeur de nos plaies et sur leur déplorable origine. Mais hélas, quand saurons-nous en état d’accepter le seul remède vraiment efficace à cet égard, je n’ose rien ou presque rien espérer. La solution la plus prochaine serait la plus désirable et il n’y en a qu’une seule de véritable.

Je ne veux pas aller plus loin dans la crainte de me voir obliger de conclure encore une fois à la nécessité d’un expédiant puisse le ciel vouloir que la lumière se fasse enfin. Mais la lumière ne luit guère dans les nombreuses assemblées alors même qu’elles sont envoyées par le suffrage universel. Il leur faut une grande, une puissante impulsion qui elles ne peuvent guère se donner à elles seules. D’où pourra venir pour nous, même dans le sein d’une assemblée constituante, cette impulsion si nécessaire ? Dieu seul le sait, lui seul peut venir en aide à Monsieur de Falloux et au petit nombre d’hommes qui pensent et sentent aussi bien que lui.

Mais pourquoi me suis-je laissé aller à ce long et une petit bavardage ? Mon excuse se devine assez et ne saurait échapper à sa haute intelligence.

Tout à lui et de tout cœur.

Pasquier

 

1Trouville-sur-mer, Calvados.

2?


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «16 juillet 1848», correspondance-falloux [En ligne], Années 1848-1851, Seconde République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1848,mis à jour le : 27/11/2020