CECI n'est pas EXECUTE 16 septembre 1857

Année 1857 |

16 septembre 1857

Louise de Sainte-Aulaire à Alfred de Falloux

Fumel1, 16 septembre [1857]

 

Je suis profondément touchée, mon cher cousin de ce que vous m’apprenez ; cette sainte amie2 a pensé à moi. Quel précieux souvenir, et combien ils seront respectés ! Malgré moi, impatiente de posséder le chapelet, je n’ose le risquer par la diligence ; si donc vous pouvez, sans vous déranger le faire remettre à Monsieur l‘abbé de Beauvais, curé de Saint-Jacques, il me le gardera ; si cela vous gêne, donnez la cachette à ce concierge de l’hôtel de Broglie en lui disant de l’enfermer jusqu’à mon retour. Madame Swetchine m’a dit qu’elle avait inscrit dans son testament une somme de dix mille francs que j’avais à appliquer suivant ses intentions.

1° À acquérir sur l’état un titre de rente dont les intérêts seront attribués en totalité à la sourde muette Clarisse à Paris.

2° à la mort de Clarisse, 400 Fr. des intérêts de cette somme de dix mille francs devront passer à la sourde muette Joséphine Guyeux. Le restant des intérêts, s’il y en a seront remis à l’hospice de Montmartre.

3° Si Joséphine Guyeux atteint sa majorité ou se marie, le capital formant la rente des 400 Fr. lui sera définitivement acquis, en toute propriété ; restant il y a lieu à l’hospice de Montmartre.

4° Si elle meurt avant sa majorité ou son mariage, le capital qui servait à acquitter la rente de 400 Fr., aussi bien que le surplus, c’est-à-dire les dix mille francs en leur entier, seront affectés à la fondation d’un ou deux lits à l’hospice de Montmartre, au nom de la fondatrice.

Voilà, mon cher cousin, la destination des 10 000 Fr. que la délicatesse des princes Gagarin3 a fait remettre chez M. des Essarts. Notre amie, m’a dicté plusieurs rédactions de cette même volonté, et m’a dit depuis, avoir choisi et mis dans son testament celle qui lui avait paru la plus claire et voilà cher cousin ce que je vous prie de communiquer à son neveu dont j’ignore l’adresse en y joignant tous mes tristes compliments et l’assurance de mon vif désir de le revoir.

J’écrirai à la princesse Gagarine, leur mère, que j’ai connu à Rome, car je sens le besoin de ne pas rester étrangère, pendant les années que je puis encore passer sur la terre à ce qui lui appartenait et lui était si cher.

Si nous l’avions conservé, je serais retourné à Paris les premiers jours d’octobre avec mes enfants, maintenant je compte rester à Fumel jusqu’au premiers jours de novembre. Si vous avez occasion d’écrire à M. de Ségur d’Aguesseau4, et que vous croyez qu’il ait d’autres explications à me demander, veuillez lui dire que Fumel est presque sur sa route pour revenir à Paris, et que mon gendre et moi serions très heureux de le recevoir.

Pourquoi sommes-nous si loin, je suis sûr que la santé de ma cousine et celle de votre petite fille se trouveraient bien de l’aire de Fumel le point, la vôtre, mon pauvre cousin, doit avoir beaucoup souffert et ce n’est qu’après tous vos tristes soins remplis que vous aurez senti la fatigue. J’ai une grande pitié de la douleur des personnes jeunes encore pour moi, je sens la vérité de ce que dit l’abbé Gratry sur les consolations de la vieillesse ; lorsque la bonté gratuite de Dieu nous accorde la foi, l’aube du ciel nous apparaît si clairement que nous n’osons plus nous plaindre lorsque les lumières de notre vie s’éteignent.

1Ville du Lot-et-Garonne.

2Mme Swetchine venait de mourir le 10 septembre 1857.

3Gagarin, Eugène (1811-1886), conseiller d’état.

Gagarin, Jean-Xavier, prince (1814-1882), diplomate et écrivain d’origine russe. A 21 ans, il fut attaché d’ambassade à Munich puis à Paris. Converti au catholicisme en 1842 dans la chapelle de Mme Swetchine, sa tante par alliance, il entra, en 1843, dans la Compagnie de Jésus sur les conseils de son ami le P. de Ravignan. Il enseigna la philosophie et l’histoire religieuse en Belgique (1849-1851), puis à Laval (1853-1854). Il écrivit plusieurs ouvrages sur les rapports de la Russie et l’Eglise romaine dont La Russie sera-t-elle catholique ?

4Ségur d’Aguesseau, Raymond Jospeh Paul de (1803-1889), comte. Homme politique. Préfet sous la Monarchie de Juillet de 1833 à 1838, il fut élu député des Hautes-Pyrénées sous la Seconde République puis sénateur sous le Second Empire.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «16 septembre 1857», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1857,mis à jour le : 29/11/2020