CECI n'est pas EXECUTE 18 août 1852

Année 1852 |

18 août 1852

Paul Sauzet à Alfred de Falloux

Lyon, 18 août 1852

Mon cher et honorable ami,

Je viens de lire votre excellent discours aux frères de la doctrine chrétienne, au moment même où je finissais une lettre adressée à Monsieur votre frère1 et je n’ai pu résister au plaisir de lui dire tout le bien qu’il m’avait fait, et combien je l’avais trouvé conforme à sa devise qui me paraît résumer la conduite convenable à ce temps pour la vie sociale, la vie politique et la vie intérieure : faire le bien, se taire et attendre.

Il m’est donné de saisir aussi cette occasion de me rappeler à votre souvenir. Bien des événements et des métamorphoses se sont accomplis depuis le jour pourtant bien rapproché encore où je vous serrais la main à l’ombre de mes modestes pénates, mais il n’est pas de prestigieuse vicissitude qui puisse détruire ou relâcher les liens d’une amitié telle que la vôtre et je sais bien que nous sommes encore les mêmes qu’à l’époque de nos épanchements de Nice et de Lyon. Rien n’est changé dans mes convictions ni dans mes sympathies depuis l’écrit que fut le bonheur de rencontrer les vôtres. Ce n’est pas nous qui sommes transformés ce sont les situations grâce aux divisions aux vanités et aux passions des hommes. Mais la Providence a voulu que l’épreuve fut complète et que la révolution traversât toutes ses phases. Bénissons la de nous en avoir épargné les plus sanglantes et gardons surtout d’en provoquer les retour par des initiatives qui ne conviennent point à notre temps ou par des faiblesses qui ne conviennent à aucun.

Dieu achèvera son œuvre à son jour à Paris comme à Rome et sa main puissante n’abandonne ni le successeur de St Pierre2 ni la <mot illisible> de St Louis mais le temps et les moyens de salut sont un secret de sa sagesse et on risquerait de faire avorter l’avenir en prétendant le faire mûrir avant l’heure. Celui qui troublerait aujourd’hui le repos dont le monde a besoin manquerait à la fois à sa patrie et à son parti car il déchirerait l’une par de stériles agitations et compromettrait peut-être l’autre sans retour dans le ressentiment des peuples.

Pardonnez-moi si je me laisse ainsi aller aux expansions politiques. Je ne m’en sens pas le goût et je sais que ce n’en est guère la <mot illisible> qu’on en parle peu, qu’on en écrit encore moins, mais il m’importe peu qu’on me tire haut ou bas quand je suis certain de m’accorder avec vos entretiens intimes qui savent si bien allier le dévouement du patriotisme, la fidélité des croyances et la dignité du caractère.

Au reste, j’ai pris comme vous, la retraite au sérieux et chaque jour je la goûte davantage. J’écris mes impressions pour moi seul, et cet épanchement sans prétention et sans réserve porte avec lui une extrême douceur, car il rajeunit le temps passé et charme le temps présent. La plume retrouvée dédommage de la parole perdue, et les effusions de la famille dédommage de tout. Personne, mon cher et honorable ami n’a reçu un meilleur lot que vous dans cette précieuse indemnité. Personne n’avait mieux conquis le droit de ce promettre les bienfaits de la providence mais elle a placé à côté de vous une récompense qui acquitte toutes ses promesses et que de plus généreuse puissance ne saurait dépasser. Permettez-moi de vous unir tous deux dans mon souvenir dévoué comme vous l’êtes dans tout le reste. Rappelez-moi aussi à celui de Mademoiselle Loyde dont j’apprends avec joie que la santé vous satisfait maintenant et qui est satisfaite sans doute de son panorama romain dont elle me saura gré je l’espère, d’avoir été le fidèle dépositaire. Veuillez ne pas m’oublier auprès de Monsieur le marquis et de Mme la Marquise de Caradeuc3 et compter toujours sur mes sentiments de haute estime et d’inaltérable affection.

Sauzet

3Raoul Marie de Caradeuc ( ?-1859) et Emilie de Caradeux née de Martel ( ?-1882), beaux-parents de Falloux.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «18 août 1852», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1852,mis à jour le : 07/12/2020