1874 |
30 décembre 1874
Alfred de Falloux à Anatole de Ségur
30 décembre 1874
Mon cher comte1,
L’Univers d’hier m’apporte des fragments de Mgr de Ségur2 qui me causent une véritable tristesse qui me condamnent à une explication que j’avais soigneusement évitée. La brochure m’avait été envoyée à son apparition, mais j’avais supposé que les frères3 de l’auteur la lui avaient facilement fait retirer. Je vois qu’il n’en est rien, et je le déplore, en traitant de coureurs de place et de décorations, Monsieur Cochin et moi, Mgr de Ségur ne craint-il pas qu’on lui rappelle qu’aucun de nous n’a obtenu sous Louis-Philippe et sous Napoléon III, la moindre partie des faveurs qui ont comblé sa famille et lui-même. Je ne me suis jamais permis, et j’aurais trouvé injuste un blâme à cet égard. Mais il m’est impossible de ne pas m’étonner. Le champ de la critique religieuse est bien vaste, et Mgr de Ségur a le droit de le parcourir tout à son aise. Mais, ce genre de polémique fait-il parti de la théologie ?
L’académie et les académiciens ne sont pas oubliés non plus, et cela va de soi dans le diapason actuel. Le retrait de votre candidature4 aurait pu nous être annoncé en termes plus aimables. Vous me rendrez du moins la justice, mon cher comte, que je vous étais demeuré bien fidèlement et bien cordialement dévoué, et que j’ai fait tout ce qui dépendait de moi pour ne pas recevoir un tel congé. Croyez à mon bien sincère regret et à tous les sentiments qui peuvent demeurer encore à l’abri des conflits les moins provoqués.
A. de Falloux
1Anatole Marquis de Ségur.
2Mgr Gaston de Ségur (1820-1881), fils de la comtesse de Ségur, auditeur de Rote à Rome de 1852 à 1856, il était revenu à Paris pour cause de cécité. Plus modéré que Jules Morel et Louis Veuillot dont il est un des proches, l'évêque demeurait néanmoins un prélat ultramontain et antilibéral. Il est le frère d’Adolphe Anatole, marquis de Ségur.
3Outre Anatole de Ségur à qui cette lettre est adressée, l’évêque a également comme frère, Edgar de Ségur-Lamoignon, Vicomte de Ségur-Lamoignon (1825-1900).
4Il avait été candidat à l’Académie française.
