CECI n'est pas EXECUTE 30 septembre 1857

Année 1857 |

30 septembre 1857

Dorothée de Dino à Alfred de Falloux

Sagan1, 30 septembre 1857

Vous venez d’assister, mon ami, à un sacrifice si chrétien qu’il vous aura par cela même fortifié, je l’espère ! Elle, cette grande chrétienne2, elle vous aura donné le calme et le courage de lui survivre comme elle vous a obtenu assez de forces et de santé pour la soigner, et assister à son incomparable et édifiante agonie ! J’ai confiance, plus confiance peut-être pour nous secourir dans nos misères et débilités dans ceux qui nous précèdent que dans ceux qui nous restent ! Elle veillera sur vous, elle vous abritera, car, que ne doit pas obtenir une telle âme ! Mais la part des infirmités reste toujours, même critiquée, assez prononcée pour rendre la vie difficile ; la vôtre si bénite d’une part, ne laisse pas que d’offrir à votre résignation ses croix ; celle qui vous aidât à les penser ne pourra plus que planer invisible autour de vous. Vous n’aurez peut-être pas toujours la révélation de sa présence ; et le vide qui s’est fait, humainement, partout, autour de vous, semblera un douloureux assainissement. Aussi nous nous troublons ici, plus que vous ne saurez croire, de l’ébranlement nerveux que vous devez éprouver, et nous sollicitons de fréquents bulletins. Nous demandons à vous savoir rentré du Bourg d’Iré, y retrouvant le cher et consolant objet de votre tendresse.

Pauline [de Castellane]3 a bien mauvaise mine, et les nerfs bien malades. Il est temps pour elle que, le <mot illisible> et mariage accompli, l’équilibre se rétablisse ; malheureusement les suites d’un accident grave survenu à la messe d’A. R. semblent nous rejeter dans une vague pénible sur le lieu et la date du mariage. Cette incertitude est fatigante ; elle cessera d’une façon ou d’une autre prochainement, je l’espère. En attendant, Marie4 a reçu votre touchant souvenir dont elle jouit infiniment.

Ma santé reste chancelante. Les remèdes héroïques devenus indispensables et employés avec persévérance ont réussis à arrêter les graves symptômes mais ils ont épuisés mes forces aussi ne suis-je guère à la hauteur de mes tâches actuelles. Il faut gouverner une maison remplie de pensionnaires et, S. Euline5 en vacance, recevoir beaucoup de monde, préparer une noce, veiller à tout ce qu’elle entraîne, remplacer Pauline dont les mérites mêmes, la rendent étrangère aux intérêts matériels qu’il est indispensable de soigner quelque peu. C’est ainsi qu’il me faut gouverner aux affaires personnelles et leur donner une impatience suffisante pour les pouvoir quitter pendant l’hiver. Les médecins exigent le <mot illisible> plus encore de m’éloigner de tous soucis, de tous tracas. Je reconnais moi-même la nécessité de débrider un peu. Et comme il ne faut pas s’obstiner à faire, ce qu’on fait mal, je ne veux plus me mêler que de faire mes malles pour Nice. Si au bout de quelques mois passé au bord de la mer bleue, je me sens capable de jouir de Rome, j’irai peut-être y passer le carême de 58. Monseigneur de Falloux6 voudra-t-il s’y montrer votre frère pour moi ?

Mes fils7 vous offrent leur souvenirs dévoués ; veuillez assurer Madame de Falloux de la tendresse des miens et embrassez Loyde pour moi.

Adieu mon ami chéri, peut-être quitterai-je bientôt visiblement ceux qui veulent bien m’aimer un peu, priez pour que je ne reste pas à un,e trop immense distance de celle que vous pleurez ! Elle est sans doute déjà dans une région toute lumineuse. Priez pour que ma nuit ne soit ni trop longue, ni trop sombre. Qu’il fasse obscur ici, qu’importe, mais si bas ! Oui priez pour moi.

Duchesse de Sagan

Dorothée de Courlande Duchesse de Sagan et de Dino (1793-1862).

1Château de Sagan, en Silésie.

2Mme Swetchine, qui venait de décéder, le 10 septembre 1857.

3Fille de Dorothée de Courlande, duchesse de Sagan et de Dino (1793-1862).

4Radziwill, Marie Dorothée Élisabeth, princesse (1840-1915), née de Castellane, elle est la fille de Pauline de Castellane, la châtelaine de Rochecotte. Le 3 septembre 1857, elle avait épousé à Sagan, en Pologne, Frédéric-Guillaume-Antoie, prince Radziwill (1833-1904), militaire prussien. Femme de lettres, on lui doit la publication des Souvenirs de sa grand-mère, la Duchesse de Dino, Chronique de 1831 à 1862, Paris, Plon, 1909-1910, 4 vol.

5?

7Outre Pauline, la duchesse de Sagan avait deux fils Louis de Talleyrand-Périgord, duc de Talleyrand-Périgord (1811-1898) et Alexandre Edmond de Talleyrand-Périgord, duc de Dino (1813-1894).


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «30 septembre 1857», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1857,mis à jour le : 08/12/2020