Année 1860 |
3 avril 1860
Christophe de Lamoricière
Réponse du général de la Moricière, Rome, le 3 avril 1860
On s’occupe de savoir si en prenant le commandement de l’armée du pape, je ferai régulariser nos positions par le gouvernement français, ce qui veut dire en demandant la permission à l’Empereur de servir à l’étranger. Or, demander à quelqu’un la permission de faire une chose, implique nécessairement l’idée que si l’on est refusé, on s’abstiendra d’agir. Est-ce sérieusement que l’on peut croire que je subordonnerai mon action ici à l’autorisation du chef du gouvernement français ?
Je n’ai accepté les fonctions que je dois remplir qu’à la condition de ne jamais porter les armes contre la France. Mais il va de soi que je pourrais fréquemment agir de manière à contrecarrer la politique actuelle, patente ou occulte du gouvernement français.
Est-ce que les napoléoniens ont oublié que leur maître fut jadis citoyen d’Argovie et capitaine d’artillerie au service des Suisses ? Le tout sans la permission de Louis-Philippe, Ce qui ne l’a point empêché de se retrouver citoyen français pour être nommé représentant, président de la publique etc.
Dans l’œuvre que j’entreprends, si je dois succomber, il m’importera peu d’être ou non citoyen français d’après le code Napoléon ; si je dois réussir et revenir en France, le pays me rendra au besoin mon droit par acclamation.
Le vieux Mont-Luc1 disait : mon âme est à Dieu et mon épée est au Roi, mais mon honneur est à moi, car le roi ne peut rien dessus.
J’ai donné mon épée au pape, je recommande mon âme à Dieu, mais ne veux rien tenir de l’empereur pour conserver mon honneur sauf !
Signé Gal de la Moricière
1Blaise de Lasseran de Massencome, seigneur de Monluc dit Blaise de Monluc (1500-1577), maréchal de France et mémorialiste. Fervent catholique, il fut le serviteur de cinq rois (François Ier, Henri II, François II, Charles IX et Henri III). S’étant illustré lors des guerres d’Italie et des guerres de religion, il fut élevé à la dignité de maréchal de France en 1874.
