CECI n'est pas EXECUTE 17 juillet 1866

Année 1866 |

17 juillet 1866

François-Eugène Captier à Alfred de Falloux

 

Arcueil, le 17 juillet 1866

Monsieur le comte,

Votre lettre du mois passé m’a surpris un peu par la >mot illisible> qu’elle exprimait à l’endroit des ombrages du ministre de l’Instruction publique1. J’ai alors suivi ma méthode préférée, je suis allé tout droit à l’homme, et j’ai reconnu que vous avez bien jugé. M. Duruy en effet effort écrit contre tout ce qu’il appelle ultramontain, et il a fait à mes questions un accueil très défavorable. Il m’a fait entendre que son collègue, le ministre de l’Intérieur2 pourrait bien mettre obstacle à une réunion nombreuse du genre de celle que nous pouvions projeter. Je crois après cela, que dans l’état des choses, il est plus prudent d’ajourner un plan qui met pourtant bien cher. Je vous avoue que je me sens humilié comme catholique quand je vois quel point l’intolérance d’un certain parti religieux a produit une ville intolérance dans le parti opposé. On nous croit dangereuses et ennemies pour cela seul que notre fin nous est cher. M. Duruy paraît aussi sincère que passionné. Il pense que les jésuites divisons la société en deux camps et qu’on finira par des coups de fusil, mais qu’entend-il

par les jésuites ?

Je fais les vœux les plus sincères pour votre élection. Un catholique libéral à la chambre3, ce serait aujourd’hui un événement extraordinaire. Je vous avoue que j’espère peu et que les bruits de Paris sur votre élection ne sont pas encourageants.

M. Durand Lainé est maire de Voreppe (Isère).

Si ma pauvre santé et mes affaires me laissent un peu de liberté je ferai encore un discours de distribution des prix. Je parlerai de l’avenir de l’enseignement libre et des compléments qu’il réclame. Je veillerai attentivement sur chacune de mes paroles, mais j’arriverai je l’espère à rendre fidèlement l’une des pensées de notre vénéré Père Lacordaire. L’année dernière M. Duruy s’est montré fort mécontent d’une allusion que j’ai faite à ses opinions anticléricales.

J’espère,, Monsieur le comte que vous aurez la bonté de me faire prévenir quand vous viendrez à Paris. Je serais heureux d’aller vous remercier de votre bienveillant intérêt, et plus heureux encore si vous me permettez de vous recevoir à Arcueil.

Je suis avec un profond respect sur le compte, votre très obéissant serviteur.

A. Captier4.

 

 

 

1Victor Duruy, ministre de l'Instruction et des Cultes depuis 1863. Duruy, Jean Victor (1811-1894), homme politique français. Professeur d’histoire et auteur de manuels, il fut amené sous la Monarchie de Juillet à donner des leçons d’histoire aux fils de Louis-Philippe. Apprécié de l’Empereur avec lequel il fut en contact au moment de la rédaction de son livre La vie de César, il fut nommé, le 23 juin 1863, à la tête du ministère de l’Instruction Public (séparé alors de l’administration des Cultes). Il conservera ce poste jusqu’au 17 juillet 1869. Mal vu des catholiques, son œuvre fut très importante  : il développa l’enseignement primaire, créa un enseignement postscolaire pour les ouvriers, favorisa l’enseignement féminin et introduisit la gymnastique dans les lycées.

2La Valette, Charles marquis de (1806-1881), diplomate et homme politique français. Diplomate à partir de 1835, il fut élu député en 1846 et siégea avec les conservateurs. Révoqué en 1848, il est nommé ambassadeur à Constantinople par le Prince président en 1851. Remplacé en décembre 1852, il devint sénateur l’année suivante. Anticlérical et libre penseur, ami du prince Napoléon, de Rouher et de Thouvenel, il fut nommé par ce dernier de nouveau ambassadeur à Constantinople en février 1860. Il y joua un rôle central lors des événements de Syrie et dans la négociation du nouveau statut du Liban. En août 1861, il fut nommé ambassadeur près le Saint-Siège ce qui fut considéré comme un geste envers Turin, La Valette étant connu pour son « italianissime ». Chargé de faire admettre un retrait des troupes françaises, sa mission fut un échec en raison de l’intransigeance de Pie IX. En octobre 1862, il démissionna de son poste avec ses amis du « parti » pro italien (Benedetti, Flahaut) par solidarité avec Thouvenel disgracié et contraint de quitter le Quai d’Orsay. Membre du Conseil privé, dévoué à Rouher, La Valette devint ministre de l’Intérieur en 1865. C’est à ce titre qu’il participa au Conseil du 5 juillet 1866 au lendemain de Sadowa, au cours duquel il fit échouer avec Rouher le projet de « médiation armée » défendu par leur rival Drouyn de Lhuys. Il signa alors qu’il assurait l’intérim des Affaires étrangères la fameuse « circulaire du 16 septembre 1866 », document diplomatique inspiré par l’empereur qui entait l’unité allemande comme conforme aux intérêts de la France et de l’Europe. Devenu ministre des Affaires étrangères le 17 décembre 1868, il entama des négociations secrètes avec l’Autriche pour faire barrage à la Prusse. Désapprouvant les nouvelles réformes libérales, il quitta son ministère le 17 juillet 1869 et devint ambassadeur à Londres, poste qu’il occupa jusqu’à la chute de Napoléon III.

 

3Falloux s’est alors porté candidat dans la circonscription de Baugé-Segré, en Maine-et-Loire, suite au décès, le 22 juin 1866 de Bucher de Sauvigné 1802-1866), député de la circonscription depuis 1852. Falloux s'était porté candidat à sa succession. Malgré une campagne active, il sera finalement battu par le candidat officiel. Voir les lettres qui suivent.

4Captier, Arthur (1828–1903), prêtre. Frère d’Eugène Captier, également prêtre dominicain pris en otage et fusillé par les communes. Arthur était entré à Saint-Sulpice en 1848 est devenu prêtre en 1852. Il avait fondé la procure des prêtres de Saint-Sulpice en 1874 et créé une maison de prêtre étudiant en 1878.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «17 juillet 1866», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1866,mis à jour le : 31/12/2020