CECI n'est pas EXECUTE 24 janvier 1871

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24 janvier 1871

Pauline de Castellane à Alfred de Falloux

 

Mardi 24 janvier 1871, matin

 

Chers amis chéris, c’est Bitout qui malgré son persistant malaise a voulu vous écrire. Et moi avant-hier samedi j’avais adressé les bulletins de santé à Loyde1. Avez vous reçu tous ces efforts d’amitié pour vous faire parvenir nos nouvelles ? Les dernières reçues de vous étaient du 19 tracées de la main de chère Mme de Caradeuc2. A cette même date du 19, Madeleine3 m’écrivait son anxiété d’être depuis le 16 que nos mobiles avaient précipitamment quitté Sablé pour courir au secours de J. Guiberry4 qui appelait en toute hâte sans nouvelle aucune d’Antoine et s’entendre dire que l’on s’était battu dans la direction précisément qu’il avait prise en quittant Sablé. J’en suis toujours en attendant dans le Sursum Corda5, ce qui n’exclut pas l’anxiété de la mère…

Depuis l’entrée des Prussiens à Tours, il y a 6 jours, il en vient tous les jours, plus ou moins explorer les 2 rives à la fois, de la Loire. Hier il en est venu 5 jusqu’à Langeais acheter des salaisons et du tabac puis en sont repartis. Ils en avaient fait autant les 2 jours précédents à Cinq Mars6. Mais hier ils y sont venus plus de 100 ! avec des voitures de réquisition. Ils venaient de faire sauter hélas, le magnifique viaduc du chemin de fer qui traverse la Loire entre Savonnières et Cinq-Mars...Après ce haut fait ils se sont attablés ; mais tout à coup une dépêche arrivée au Commandant (Mais on ignorait le contenu bien entendu) et celui-ci sans finir le repas commencé repart avec ses hommes. Voilà où en sont nos parages. Ce point-ci est lui parfaitement calme jusqu’à présent, et Langeais l’est redevenu, malgré sa consternation de la destruction totale (par nos ingénieurs) et totalement inutile, de son pont de fil de fer…

La hauteur des eaux de la Loire jointe à la rupture de ses ponts rend difficile les communications entre les 2 rives. On sait pourtant que de l’autre côté les ont eu une ou deux escarmouches avec les gendarmes et que ils sont revenus le lendemain en force entre autres à Villandry7 dont le maire M. Hainguerlot a eu difficulté à obtenir .

Et dit-on ils se seraient dirigés sur Azay le Rideau. Je le crois sans en être cependant absolument sûre. Tandis que je le suis de ce que je vous ai raconté de cette rive-ci. La température est molle, brumeuse, enrhumante |sic] . Sur plusieurs points notamment à Langeais et à la Chapelle on fait plusieurs enterrements par jour.

Je vous embrasse amis. A Dieu.

1Loyde de Falloux (1842-1881), fille unique des Falloux. Atteinte de nanisme, elle était de santé

2Emilie-Marie-Charlotte de Caradeuc, née de Martel (1801-1882), belle-mère de Falloux.

3Madeleine de Castellane (1847-1934), née Leclerc de Juigné ; elle était, depuis le 3 avril 1866, l'épouse d'Antoine de Castellane.

4Jauréguiberry, Jean-Bernardin (1815-1887), officier de marine, il avait été nommé vice-amiral par le gouvernement de Défense nationale le 9 décembre 1870. Il sera nommé sénateur inamovible le 27 mai 1879 et occupera à deux reprises le poste de Ministre de la marine et des Colonies (du 4 février 1879 au 23 septembre 1880 et du 30 janvier 1882 au 29 janvier 1883).

5« Élevons les cœurs »

6Cinq-Mars-La Pile, commune d’Indre-et-Loire sur la rive gauche de la Loire.

7Commune d’Indre-et-Loire, rive gauche de la Loire, non loin de Cinq-Mars-La Pile.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «24 janvier 1871», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1871,mis à jour le : 16/03/2022