CECI n'est pas EXECUTE 30 janvier 1871

1871 |

30 janvier 1871

Pauline de Castellane à Alfred de Falloux

Lundi, 30 janvier 1871

Un armistice mes amis chéris, un armistice signé ! Le sang humain va donc cesser d’être versé, et la France d’être ravagé ! Ah le cœur est tout au Te Deum en face d’un bienfait si grand et si inattendu et les yeux baignés de larmes reconnaissantes au seigneur. Ah redoublons de prières pour que de cet armistice sorte la paix ! Et le salut de notre malheureuse patrie !

Nous n’avons jusqu’à présent que le télégramme signé Jules Favre1 (de Versailles) contresigné, Laurier2 (de Bordeaux) par conséquent nous ignorons absolument ce qui a produit et accompagné ce fait de la signature d’un armistice entre les belligérants. Mais, en soi même il est si considérable, qu’il est aisé de prendre patience, en attendant les détails. Deo gratias Antoine aura été trouvé sain et sauf (j’ai tout lieu de le croire) par l’armistice. Mais ma pauvre Marie est elle rassurée sur son mari après les sanglantes journées des 19, 21 etc. sous Paris ? Voilà ce que j’ignorerai quelque temps encore, et ce que mon cœur se demande avec l’angoisse que votre amitié pressent, et certainement partage !

Il faut fermer ma lettre. J’ai tenu à vous adresser au moins quelques lignes dans l’effusion de la profonde émotion de la grande nouvelle et notre ami désire comme moi y ajouter son propre sentiment. Il est mieux que la semaine dernière sans, hélas, être vaillant encore. Et vous amis ?

P. de Castellane

Chers amis, je m’empresse avec reconnaissance de la petite place qui m’est laissée ici pour me congratuler avec vous de l’issue inattendue que cet armistice vient nous offrir juste au moment le plus terrible de ce terrible siège. Des élections, une assemblée, un gouvernement tout ceci paraît comme un rêve ! Mais quelle sera la qualité de tout ceci et après avoir tant souffert par la guerre que faudrait-il redouter de la paix ? Enfin quoi qu’il en soit c’est quelque chose que d’avoir 21 jours pour reprendre haleine et pendant ce temps là on pense à tout le moins embrasser ceux vers lequel le cœur s’élance sans <mot illisible>...à bon entendeur salut.

Jules [de Bertou]

Voici votre lettre du 27 qui arrive à l’instant.

1Favre, Jules (1809-1880), avocat et homme politique. Il devint vite l’un des chefs les plus célèbres du Barreau de Paris, principalement dans les affaires politique. Ardent républicain, il fut secrétaire général au ministère de l’Intérieur, en 1848, sous Ledru-Rollin. Élu lors des élections partielles de 1858, il devint l’un des chefs de l’opposition républicaine au Corps Législatif. Avec quatre autres républicains (Ollivier, Darimon, Hénon, Picard), il forma, à partir de la session de 1859, le groupe dit des Cinq, opposition majeure à l’empire autoritaire jusqu’en 1863. Il fut réélu en 1863. Après la chute de l’Empire, il se vit confier le poste de ministre des Affaires étrangères ; il se chargea d’organiser la résistance aux Prussiens et négocia un traité de paix.

L’armistice venait d’être signée par Jules Favre le 28 janvier 1871.

2Laurier, Clément (1832-1878), avocat et homme politique. Membre du gouvernement de la Défense nationale, il démissionna en même temps que Gambetta, parce qu'opposé à la signature de l'armistice du 28 janvier 1871.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «30 janvier 1871», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1871,mis à jour le : 08/01/2021