CECI n'est pas EXECUTE 12 avril 1871

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12 avril 1871

Pauline de Castellane à Alfred de Falloux

Mercredi, 12 avril 1871

Très cher amis,

Voici la lettre que je viens de recevoir et que je vous prie de me retourner dès que la tête de l’un et les yeux de l’autre vous en auront permis la lecture à tous deux. Si vous écrivez à Antoine ou à Madeleine1 veuillez écrire dans le sens indiqué par le père.

Saint-Chéron écrit que non seulement le cabinet de Berlin ne menace pas l’occupation par ses troupes de la Ville de Paris si l’insurrection y persiste ; mais il ne serait vraisemblablement pas fâché de nous voir garder attaché à notre patte ce lourd boulet de l’agitation de Paris et que si il trouvait que nos paiements de guerre se fassent trop attendre ce ne serait point Paris qu’il prendrait pour gage mais quelqu’autre point de la terre de France.

Àh mes amis que je crains que nous ne soyons pas encore près du terme de nos malheurs !!

On dit aussi que les puissances étrangères elle, pressent la Prusse d’entrer dans Paris afin d’y écraser l’Internationale cette secte qui effraye l’Europe toute entière.

Je vous ai écrit hier. Je n’ai rien de plus à ajouter aujourd’hui. Si ce n’est le bulletin des santés d’ici. Les trois enfants vont à merveille. Leur vieille grand-mère toujours bien misérable.

Bittout encore plus que médiocrement. Ce n’est pourtant pas à cause de cela qu’il ne vous a pas écrit depuis deux jours, mais seulement parce que j’écris moi.

Une seconde incision a été pratiquée hier soir dans l’abcès de mon pauvre Guerin. Son mal, évidemment, sera long, au moins ! Mes enfants de là-bas vont bien de santé. Marie2 me mande aujourd’hui que votre Robert s’est fait offrir à elle comme précepteur pour Georges. Elle a pu répondre certes bien sincèrement qu’elle n’en avait pas besoin ! À propos vous ai-je jamais dit à quel point dans sa récente et poignante angoisse, ma pauvre fille avait trouvé une vraie ressource en M. Podlewski, homme véritablement vénérable et une vrai consolation dans le cœur d’or de Georges. Bertha aussi parait-il a montré à sa mère des sentiments pleins de délicatesse.

Chers enfants priez pour nous tous.

Dans sa joie du retour auprès d’elle enfin de son cher mari3 sain et sauf. Il m’a écrit et prié d’être auprès de vous tous son plus chaud interprète. Soyez le mien auprès de M. votre curé et de vos chers voisins.

Mes amis chéris, je vous embrasse.

 

1Madeleine de Castellane (1847-1934), née Leclerc de Juigné, mariée le 3 avril 1866 avec le marquis Antoine de Castellane.

2Marie Dorothée Élisabeth Radziwill, princesse (1840-1915), née de Castellane, elle est la fille de Pauline de Castellane, la châtelaine de Rochecotte. Le 3 septembre 1857, elle avait épousé à Sagan, en Pologne, Frédéric-Guillaume-Antoine, prince Radziwill (1833-1904), militaire prussien. Femme de lettres, on lui doit la publication des Souvenirs de sa grand-mère, la Duchesse de Dino, Chronique de 1831 à 1862, Paris, Plon, 1909-1910, 4 vol.

3Anton Radziwill. Voir note ci-dessus.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «12 avril 1871», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1871,mis à jour le : 08/01/2021