Année 1856 |
29 octobre 1856
Charles Brifaut à Alfred de Falloux
Paris 29 octobre 1856
Vous m’avez adressé, mon cher Alfred, un envoyé bien aimable : les seins sont faits à l’image de leur Dieu. Vous devinez qu’il a été reçu à bras ouverts, qu’on a causé avec lui bien amplement et bien tendrement de vous, de votre santé, de votre famille, comme on n’en parle chez les gens de notre communion. Vous devinez aussi que je me suis jeté avec impatience sur la partie de votre discours qui est déjà faite et parfaite. Continuez sur ce temps-là et nous aurons de vous un nouveau chef-d’œuvre. Je n’ai pas perdu de temps pour relire la vie du second Saint-Louis ; je suis maintenant aux prises avec les Sarrasins vaincus par Don Juan d’Antriche1 et je ris en pensant que la chrétienté, qui les a si bien battus, s’est armée de nos jours pour les défendre et les sauver2. Ainsi va le monde. Vivons et nous en verrons bien d’autres. Voilà l’affaire de Naples3 qui menace l’Europe d’une nouvelle complication. Jamais il n’a été mieux prouvé que le monde est livré aux disputes. Ma foi, juge et plaideur, il faudrait tout lier, excepté nous, et encore ! Je vous écris sous la dépendance d’un petit accès de fièvre qui m’empêche de continuer la conversation, et je suis obligé de me dire : allez vous coucher, Basile, mais vous n’êtes pas quitte de moi : à la première occasion vous aurez de mes nouvelles. Ne manquez pas de me donner des vôtres. J’y tiens comme on tient au plaisir.
Tibi per secula
Brifaut
1Juan d’Antriche (1545-1578), prince Habsbourg, célèbre pour ses hauts faits d’armes lors de la bataille de Lépante contre l’empire Ottoman alors qu’il était le commandant de la flotte des puissances chrétiennes.
2Lors de la guerre de Crimée, France et Angleterre s’était associé aux armées ottomanes pour combattre la Russie.
3Suite à la répression des partisans de l’indépendance de l’Italie, Napoléon avait adressé des remontrances au roi des Deux-Sicile qui fit part de son irritation intimant l’Empereur de se mêler de ses affaires.
