CECI n'est pas EXECUTE 15 octobre 1871

1871 |

15 octobre 1871

Pauline de Castellane à Alfred de Falloux

Jeudi, 15 octobre 1871

Cher, Cher Monsieur,

Elle est partie ma pauvre fille1, elle est partie hier soir et sa dernière parole criée par la portière du wagon a été « Répétez bien à Caradeuc mon extrême regret d’être partie sans les voir !» Ce regret elle l’a exprimé tous les jours de la semaine dernière, et à tout les moments du jour, pour ainsi dire. Elle d’un côté et son mari2 de l’autre doivent arriver dans la matinée de samedi prochain à Berlin où leurs enfants sont réinstallés déjà depuis quelques jours. Ici il n’y a donc plus avec moi et mes petits-fils que l’abbé Hersand3 qui vous offre ses hommages et Bittout ses amitiés auxquelles il me prie de joindre ses gratitudes pour la chère lettre de chère Mme de Caradeuc4 reçus ce matin, avec l’incluse de St. Chéron. Moi j’en ai une de Madeleine5 qui bien qu’en voiture fermée a dû entre Murat6 et Marcenat mettre son manteau sur la tête enfin d’éviter de gagner mal aux dents, tant le vent était violent sur la montagne, froid et pénétrant. C’est à cette température si fréquente dans le Cantal que je dois, je l’ai toujours cru, beaucoup de mes névralgies et rhumatismes.

Ici après un long mouvement équinoxiales [sic] le beau temps est revenu et nos vendanges se font en de bonnes conditions. Je doute qu’il en soit de même pour les élections de dimanche et j’en augure tristement pour l’ensemble, ah hélas, en France !

L’armée blâme très haut la faiblesse du gouvernement vis à vis des coupables de la révolte, d’où les peines sont commencées. Le Gl <nom illisible> a porté sa démission malgré les instances du parti honnête de Marseille. Il est furieux, il y a de quoi. M. Thiers reçoit Victor Hugo et ils se disent des grâces. Tout cela ne nous mène-t-il pas à une catastrophe qu’on déplorera mais trop tard. Et trop tard l’Assemblée aura le résultat de ses faiblesses successives depuis 6 mois et de sa faute en prenant des vacances dans un temps de crise suprême comme celui-ci….Aucune puissance ne veut traiter avec nous….Qu’en est-il de notre entente douanière avec la Prusse ?

Tandis que M. Thiers disait l’accord fait sur toutes les questions, M. Sarmin7 parait-il disait que rien n’était fait parce qu’on voulait voler son gouvernement, et qu’il ne se laisserait pas duper...Et Jules Simon qui transforme le nom du Collège Bourbon en celui du Collège Condorcet8.

M. de Bertou s’est chargé de vous transmettre mon appréciation sur le hint9 [sic] de l’Évêque d’Orléans10 à propos d’une certain réunion sous ce toit-ci.

Je vous le répète quelque désir que j’ai de jouir en paix de la chère présence ici de chères vous mesdames si il s’agit d’avoir, en même temps Mgr Dupanloup et le marquis de Juigné11 avec son gendre et vous cher Monsieur rien de mieux. Mais pour les raisons qui vous ont été énumérées, je désire qu’il n’y ait rien de plus, ici, tout en souhaitant qu’il y ait davantage eu un terrain plus neutre. Celui d’une ville par exemple.

Quant à Auguste Grosbois je suis peiné plus encore pour lui que pour vous bien que contrariée pour vous de la brusquerie de sa résolution, de l’échange qu’il fait en faveur du buffet de Troyes !! Je chercherai de mon mieux. Le choix est difficile, délicat. Pourrais-je dire que vous donneriez du vin à votre serviteur. Beaucoup de ceux qui ne sont pas habitués dés l’enfance à une autre boisson souffrent dans leur santé, d’en être privée. A l’Isle12 ne trouverez vous pas un bon serviteur à hériter du pauvre M. D’Andigné13 habitué au pays ce serait une garantie de stabilité.

Chers amis chéris fidèlement à Dieu et tendrement au revoir. Ah ! Si vous étiez ici dans quel calme nous jouirions de ce beau temps dans cette vallée encore embellie par ces riches teintes d’automne et combien mon cœur se reposerait sur vos cœurs amis.

P. de Castellane

1Marie Radziwill née de Castellane.

2Frédéric-Guillaume-Antoine, prince Radziwill (1833-1904), militaire prussien.

3Hersand, Gustave (1829-?), curé de La Chapelle-Blanche (Indre-et-Loire).

4Emilie-Marie-Charlotte de Caradeuc, née de Martel (1801-1882), mère de Marie de Falloux.

5Madeleine de Castellane (1847-1934), née Leclerc de Juigné ; sa belle-fille, mariée le 3 avril 1866 avec son fils Antoine de Castellane.

6Ville du Cantal. Antoine de Castellane est alors le député de la circonscription..

7?.

8Jules Simon est alors ministre de l'instruction publique, des cultes et des beaux-arts du gouvernement provisoire.

9Mot anglais signifiant indice, soupçon.

10Mgr Dupanloup.

11Charles Léon Ernest Leclerc, marquis de Juigné (1825-1886), homme politique. Propriétaire du château de Juigné-sur-Sarthe (Sarthe), il était membre de l'Assemblée nationale du 8 février 1871 où il siégeait avec les légitimistes; il était inscrit à la réunion Colbert et à celle des Réservoirs. Le comte et le marquis sont cousins. Plus modéré que son cousin, le marquis est un proche de Falloux.

12Le château de l’Isle-Briand était alors à vendre. Voir note ci-dessous.

13Andigné de Mayneuf, Louis Charles Emmanuel d’ (1817-1871), propriétaire.du château de l’Isle-Briand, au Lion d’Angers, en Maine-et-Loire.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «15 octobre 1871», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1871,mis à jour le : 16/01/2021