CECI n'est pas EXECUTE 10 octobre 1871

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10 octobre 1871

Pauline de Castellane à Alfred de Falloux

 

Mardi 10 octobre 1871

Bien chers amis, notre pauvre souffrant1 me prie, encore aujourd’hui, de vous transmettre de ses nouvelles. Bien qu’il souffre de moins en moins, il ne peut essayer encore de faire marcher une plume ni aucunement de se tenir sur ses jambes. Heureusement que n’étant pas malade il peut lire, ce qui distrait ses longs temps de solitude, et supporter le mouvement de Boni et de Jean qui demandent d’eux-mêmes, plusieurs fois par jour, à aller jouer chez Bittout.

Un télégramme de ma fille2 m’est arrivé hier après avoir mis 48 heures entre Berlin et céans ! Et ce matin une lettre écrite de suite après l’expédition de son télégramme me donne de bons détails sur elle, ses enfants et son mari bien qu’elle dise celui-ci non souffrant et vraiment fatigué.

En traversant Paris elle a vu sa tante Sophie plus impérialiste que jamais et se disposant à aller en Angleterre porter un bouquet pour la Sainte Eugénie3 ! Elle a fini l’été à Genève et y a vu paraît-il Rouher4, Olivier5, Bazaine6 tous confiants et remplis d’espoir !

Dans les canton de Bourgueil et de Langeais7, les deux conseillers généraux nommés sont deux anciens bonapartistes, à Langeais Monsieur de Boissimont, le directeur de la fabrique de poteries a été battu par les campagnards qui n’ont pas voulu de lui, à cause de la particule qui précède son nom ! Voilà où nous en sommes hélas ! Hélas !

Pauvre Mme Lambrecht8 et ses si nombreux enfants. Par qui son mari qu’elle regrette immensément va-t-il être remplacé au ministère9.

Mon neveu Sagan a été élu à grande majorité par le canton de Valençay10 où on aime encore le souvenir de mon grand-oncle et où on est reconnaissant des bonnes œuvres de mon frère11, Oh rareté ! Je ne sais encore rien de Sablé12, ni de Marcenat. Mais de Marcenat, Antoine [de Castellane] est sûr.

La vieille amie du pauvre Géraldy, Madame Sachin vient de mourir (octogénaire).

C’est aujourd’hui que Félix de Bourqueney13 épouse Élise Walewska14, réciproque inclination datant d’enfance.

Je viens de recevoir votre lettre du 8. Merci, cher Monsieur, merci ! Je n’ai plus le temps de fermer celle-ci en vous répétant qu’il me semblerait très simple de prier l’évêque de vous dire vers quel moment il compte venir au Bourg d’Iré afin que vous puissiez fixer celui où vous viendrez, à Rochecotte où vous devez passer une partie de novembre.

Je vous embrasse chers tous, du plus profond de mon cœur.

P. de Castellane

1Sans doute Jules Bertou qui souffre d’un lumbago.

2Marie Radziwill, née de Castellane.

3Eugénie de Montijo, épouse de Napoléon III ?

4Rouher, Eugène (1814-1884), avocat au barreau de la ville de Riom. Député de la Constituante (1848), puis de la Législative (1849). Ministre de la Justice à deux reprises (octobre 1849-février 1851 et avril-septembre 1851), puis ministre du Commerce, de l’Agriculture et des Travaux publics, et ministre d'État auprès des chambres de 1863 à 1867. Défenseur vigoureux du régime autoritaire et adversaire acharné du parlementarisme libéral. Se retire à Londres après la chute de l’Empire. De retour en France, il se fait élire député de Corse en 1872. Il demeure alors l’un des leaders les plus influents du parti bonapartiste. Il rentrera dans la vie privée après la mort du prince impérial (1879).

5Émile Ollivier (1825-1913), homme politique. Fils d’un Carbonaro républicain, il fut nommé par le gouvernement provisoire préfet de Marseille, le 27 février 1848; il avait alors 22 ans. Il se fit élire en 1857 au Corps Législatif. Républicain, il était néanmoins dépourvu de tout sectarisme. Il accueillit avec faveur l’orientation du régime vers le libéralisme, approuvant notamment le décret du 24 novembre 1860. Réélu en 1863, il fut appelé par l’Empereur pour diriger le gouvernement du 2 janvier 1870 .Exilé en Italie jusqu'en 1873, battu dans le Var en 1876 et en 1877, il consacra le reste de sa vie à la rédaction des dix-sept volumes de son Empire libéral. Il avait été élu à l'Académie française le 7 avril 1870.

6Maréchal Bazaine François Achille (1811-1888). Il servit en Algérie, en Espagne, en Crimée et au Mexique. Commandant en chef de l'armée du Rhin en 1870, il contribua à la défaite française. Accusé de trahison pour avoir refusé de continuer le combat après la défaite de Sedan, il sera condamné à mort. Devenu président de la République le maréchal Mac-Mahon avait commué sa peine en 20 ans de prison. Évadé de sa prison (Sainte-Marguerite au large de Cannes), il se réfugia à Madrid.

7Cantons du Maine-et-Loire.

8Lambrecht, Félix (1819-1871), homme politique. Proche d’A. Thiers, ministre de l’Agriculture et du Comerce, puis de l’Interieur du gouvernement provisoire, il venait de mourir, le 8 octobre.

Stéphanie Victorine Mathilde Lambrecht née des Courtils de Merlemont (1833-1895).

9C’est Jules Dérégnaucourt qui lui succèdera.

10Valencay, en Indre-et-Loire où se situe le château de la famille Talleyrand.

11Henri Talleyrand (1814-1847).

12Les élections cantonales avaient été fixé au 8 et 15 octobre. Ernest Lecler de Juigné apparenté aux Castellane était candidat à Sablé.Antoine de Castellane à Murat.

13Bourqueney, Félix Marie Victor de (1847-1912).

14Waleswska, Elisa Catherine Elisabeth (1849-1927). Leur mariage eut lieu le 10 octobre 1871 à Paris.


 


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «10 octobre 1871», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1871,mis à jour le : 16/01/2021