CECI n'est pas EXECUTE 11 janvier 1885

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11 janvier 1885

Albert de Broglie à Alfred de Falloux

11 janvier 1885

Je suis prêt à vous faire mille excuses, cher ami, mais sans reproche, vous êtes un peu injuste. Aussitôt vos dernières lettres reçues, j’ai fait prévenir qui de droit de votre prochain passage à Paris et de la direction que vous comptiez suivre. Puis j’ai attendu une indication plus exacte du moment où vous passeriez à Paris pour arranger un rendez-vous à jour fixe. À plusieurs reprises, j’ai demandé à Lavedan s’il pouvait indiquer cette date avec quelque précision : il m’a toujours dit qu’il était dans la plus complète incertitude, et j’avais fini par me demander si vous n’attendiez pas le retour de la belle saison pour vous mettre en route. La personne que vous désirez voir va et vient incessamment sur la route d’Eu1 à Paris : dés qu’elle sera prévenue du jour de votre convenance, toutes les portes vous seront ouvertes et fermées à tous les importuns.

Je suis, comme vous pensez, obligé de me donner un peu de peine pour cette élection sénatoriale qui a une certaine importance au point de vue politique2. Je ne sais absolument que vous en dire. Avec les manœuvres faites pendant six mois, les remaniements successifs de la loi électorale ; dirigés d’accord avec mon préfet uniquement contre moi, la partie devrait être désespérée et je l’ai cru telle en le commençant. Elle ne l’est pas : c’est déjà beaucoup, bien que ce ne soit pas assez pour assurer le succès. Le plus fâcheux de notre affaire est qu’agissant sur un personnel qui émane des conseils municipaux élus le 4 mai, nous ne profitons pas du mouvement de réaction pourtant assez vif que les évènements survenus depuis six mois ont existé. Nous sommes en arrière de près d’un an sur la situation. Mérode (vous reconnaîtrez là son tour d’esprit) disait que nous avions à manger des œufs qui ne sont plus frais. Advienne que pourra. Il y a un devoir à remplir et ensuite on pourra se reposer même avant l’éternité, à la différence de ce qu’Arnaud disait à Pascal.

Mille amitiés, cher ami, vainqueur ou vaincu se sera une grande joie de causer avec vous.

Broglie

1Château d’Eu, en Normandie (Seine-Maritime), résidence de Philippe d’Orléans, alors candidat des conservateurs qui espèrent encore un rétablissement de la monarchie.

2Sénateur de l’Eure depuis 1876, Albert de Broglie, candidat à sa réélection lors des élections sénatoriales du 25 janvier 1885, ne sera pas réélu.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «11 janvier 1885», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1885,mis à jour le : 24/01/2021