CECI n'est pas EXECUTE 30 décembre 1883

1883 |

30 décembre 1883

Albert de Broglie à Alfred de Falloux

 

Paris, 30 décembre 1883

Cher ami, vous savez qu’il n’est pas prudent de s’adresser à moi quand on veut connaître la nécessité de vos retours et de vos séjours à Paris. Je suis trop intéressé pour être un bon appréciateur. Je me borne donc à vous répondre, sans commentaire, ce que je sais des faits que vous désirez connaître.

1° Il est hors de doute que l’élection de Coppée1 peut tenir à une voix. Ses chances, très faibles il y a six mois, se sont accrues du succès plus ou moins mérité, mais incontestable de la tragédie2 qu’il a eu la témérité de faire représenter en pleine candidature, ensuite de l’absence probable de Dumas le savant3, qui avait eu la faiblesse de promettre sa voix à About4, enfin de la mort du pauvre Martin5. Mais tout cela fait encore une partie très incertaine. Le plus vraisemblable est qu’il n’y aura pas d’élections si <nom illisible> maintient des prétentions mais même pour cela et pour qu’About n’obtienne pas la majorité absolue la présence de l’état-major au complet est indispensable.

Viendront ensuite les deux vacances ouvertes le même jour : il y a bien des combinaisons qui circulent à cet égard. Je vous engage à maintenir votre liberté pour en prendre connaissance quand vous viendrez. C’est de quoi nous sommes convenus avec les partisans de la candidature de Coppée. Toute préoccupation anticipée pourrait nuire aux résultats de la première journée.

Votre seconde interrogation comporte une réponse moins nette. L’hôte de la rue de Varenne6 laisse à dessein planer quelques absences sur ce projet. Je sais qu’il ne veut s’absenter que peu de semaines à la fois, et revenir constamment veiller à ses grains. Savoir si le 24 janvier sera trouver dans les intervalles d’éloignement et de retour c’est ce qu’il ne sait probablement pas lui-même, et ce qu’il ne dirait Probablement pas d’avance, s’il le savait. Je ne sais pourquoi j’imagine qu’il ne sera pas encore parti à cette date.

Je cherche si vous pouvez me reprocher encore d’oublier quelque détail, et je n’en trouve pas.

Ce qui n’est pas un détail, mais une triste <trois mots illisibles> notre appréciation sur la situation. J’ai toujours craint que l’événement de l’an dernier ne fut trop tardif, et qu’au lieu d’être un signe que la Providence prenait pitié de nous, ce ne fut la preuve que notre châtiment était accompli et définitif. Cela dit je ne vois pas de nouveaux sujets de désespoir. La monarchie est maintenue au fond de tous les esprits éclairés et la république s’embourbe tous les jours. Ferry vient de lui faire faire un grand pas vers l’abîme, en promettant hier la révision pour sauver les <mot illisible> de séminaire. Quelle singulière réaction de ces deux ordres de fait l’un part l’autre.

Amitiés dévoués et bien des souhaits de bonne année.

Broglie

 1Coppée François (1842-1908), poète et auteur dramatique. Il était alors, pour la deuxième fois candidat à l'Académie française. Devancé le 8 décembre 1881 par Sully Prudhomme, il sera élu le 21 février 1884 en remplacement de Victor de Laprade.

2Sans doute Severo Torelli (1883), drame en 5 actes.

3Dumas, Jean-Baptiste (1800-1884), chimiste et homme politique. Membre de l’Académie des Sciences (1832) et de l’Académie de Médecine (1843), il est l’auteur de plusieurs ouvrages scientifiques. Député en 1849, il fut ministre de l'Agriculture et du Commerce en 1850-1851, et sénateur sous l’Empire. Il avait été à l'Académie française le 16 décembre 1875 en remplacement de François Guizot et reçu le 1er juin 1876 par Saint-René Taillandier.

4About, Edmond (1828-1885), directeur du XIXe Siècle, très anticlérical, Edmond, il s'était porté candidat à l'Académie française. Battu à deux reprises, la première fois contre A. de Broglie, puis contre le comte de Pongerville, il sera élu le 24 janvier 1884.

5Martin, Henri (1810-1883), historien libéral., il était rédacteur au Siècle, quotidien anticlérical. Après des débuts en littérature, H. Martin s'était consacré à l'histoire. Son Histoire de France en 15 volumes (1833-1836) lui valut le grand prix Gobert à l'Académie des Inscriptions en 1844. Professeur d'histoire à la Sorbonne en 1848, il fut élu à l'Académie des Sciences morales et politiques en 1871.

6Le comte de Paris, qui réside au 57, rue de Varennes, son domicile parisien.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «30 décembre 1883», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1883,mis à jour le : 26/01/2021