CECI n'est pas EXECUTE 17 mars 1865

Année 1865 |

17 mars 1865

Joseph Autran à Alfred de Falloux

Paris 17 mars 1865, faubourg Saint-Honoré 27

Monsieur le comte

Depuis mon arrivée à Paris, j’ai bien des fois songé à prendre la liberté de vous écrire. J’ai été retenu par la peur de devenir importun. J’avais appris, avec un grand chagrin, que vous étiez souffrant, et j’aurais craint d’ajouter à vos maux l’ennui d’une préoccupation. Aujourd’hui encore c’est la même crainte qui me fait hésiter à vous entretenir d’une entreprise à laquelle vous avez déjà prodigué tant de sollicitude. Qu’aurais-je d’ailleurs à vous en dire que vous ne sachiez, je suppose, aussi bien que personne ? La situation, si je puis en juger, est à peu près ce qu’elle était l’année dernière. Cette fois, il est vrai, l’académie a deux fauteuils à donner, et elle paraîtrait disposée à fixer ses choix sur mon nom pour le premier fauteuil et sur les <mot llisible> de M. Janin1 pour le second. Je crains seulement qu’il n’y ait un obstacle à cette combinaison et que l’obstacle ne se dresse toujours du même côté. M. Guizot, en protestant de son désir de conciliation, a de nouveau désigné son candidat, et c’est de là que pourraient naître encore les difficultés. Non pas qu’il y ait parti pris, de la part de ceux de mes illustres amis que j’ai pu consulter, à repousser le candidat de Monsieur G[uizot] – ils expriment, au contraire, un grand désir d’accommodement. Mais on craint que ce candidat, vivement combattu par tout le groupe dramatique et par un de ses confrères du Journal des Débats, ne pût réunir le nombre de voix nécessaires et dans ce cas on se demande ce que ferait Monsieur G[uizot] à mon égard.

Voilà, en peu de mots, Monsieur le comte, l’idée que j’ai pu me faire de la situation. Pardonnez-moi encore de vous envoyer ainsi l’écho un peu confus de tous ces bruits. Croyez bien que si j’ai pris la plume c’est avant tout pour vous offrir l’expression nouvelle de tous mes sentiments.

Je suis avec respect Monsieur le comte, le plus dévoué de vos serviteurs.

Autran

On dit que M. de Barante2 deviendra pas cet hiver à Paris, on parle aussi de l’absence de M. St Marc G[irardin]. et peut-être même de M. le duc de Broglie.

 

1Jules Janin (1804-1874), écrivain et critique dramatique. Auteur prolifique, il collabora à de nombreux périodiques. Il sera élu le 7 avril 1870 à l’académie française.

2Prosper, Amable Brugière, baron de Barante (1782-1866), historien et homme politique. Préfet sous l'Empire, conseiller d’État sous la Restauration, il sera nommé pair de France en 1819. Élu député du Puy-de-Dome dés le début de la Restauration il était un des principaux orateurs du parti des Doctrinaires. Devenu diplomate en 1820, il accueillera avec bienveillance l’avènement de la monarchie de Juillet apportant constamment son soutien à la majorité ministérielle. Définitivement éloigné de la scène politique après la révolution de 1848, il consacre son temps à l'écriture. On lui doit en effet de très nombreux travaux.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «17 mars 1865», correspondance-falloux [En ligne], BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Année 1852-1870, Second Empire, CORRESPONDANCES, Année 1865,mis à jour le : 19/02/2021