CECI n'est pas EXECUTE 7 novembre 1863

Année 1863 |

7 novembre 1863

Joseph Autran à Alfred de Falloux

Marseille, 7 novembre 1863

Monsieur le comte,

Je ne voudrais pas vous fatiguer de ma correspondance ; mais je ne veux pas non plus vous laisser croire que j’ai pu négliger un seul des conseils que vous avez la bonté de me donner.

J’avais écrit sans retard à Monsieur le prince de Broglie. J’en ai même reçu une réponse fort bienveillante. Le prince de Broglie veut bien me marquer le désir de me voir entrer à l’académie, mais il réserve son vote.  « Il importe avant tout, dit-il, de faire choix d’un nom autour duquel on puisse rétablir l’union peu ébranlée par les derniers incidents. Je fais bien des vœux pour que ce nom soit le vôtre; mais cela ne dépend pas de moi seul, etc. »

Presque en même temps, Monsieur le comte, je recevais une lettre excellente de M. de Barante1. Son adhésion est donnée sans réserve. Il désire seulement que l’élection n’ait pas lieue avant le mois de février, époque où il peut se rendre à Paris.

M. Vitet2 de son côté, a mis un aimable empressement à m’envoyer les témoignages de sa sympathie. Il me le prouve d’autant mieux qu’il l’accompagne de conseils assez semblables à ceux que vous avez bien voulu me donner vous-même. Il pense qu’une couleur donnée à ma candidature serait un grand danger ; Il ajoute que dans l’état présent de la compagnie, il me serait utile d’avoir assez ostensiblement l’appui de M. Mignet3, et par lui de M. Thiers. Il voudrait recevoir un mot de M. Mignet qui lui parlait de moi et pouvoir écrire à M. Guizot que M. Mignet attache un prix sérieux à me voir passer cette fois.

M. Lebrun4 a bien voulu me répondre aussi. Il ne paraîtrait pas, ce me semble, très éloigné de moi. Cependant « si tel candidat à qui il n’a manqué, il y a deux ans, qu’une voix pour entrer (M. Doucet5 me semble fort clairement désigné) se présentait encore, il serait bien difficile à ceux qui l’on porté de se retirer de lui. »

J’avais écrit aussi à M. le comte de Montalembert et à M. Villemain6. Je n’ai pas eu de réponses. Tel est, M. le comte, le résumé des nouvelles que je puis personnellement vous donner. Tant que M. Guizot se tiendra loin de moi, je verrais bien des difficultés dans la situation. Je les verrai avec d’autant plus de chagrin que je sais tout l’admirable zèle déployé par vous pour les aplanir. La pensée des peines que vous prenez me contriste si fort que je serais tenté, vingt fois le jour de renoncer à mon ambition. Enfin, M. le comte, ne craignez pas, comme vous le faisiez dans votre dernière lettre, de me prodiguer vos conseils. Surtout ne vous fiez pas trop à ma sagacité. Courte sagacité que celle d’un rêveur qui passe huit mois de son année aux champs. Il n’y a que vous M. le comte, qui sachiez, au milieu des soins d’une ferme, conserver des facultés dont l’emploi eut fait, en d’autres temps, le bonheur d’un État.

Je suis avec un grand respect et une profonde reconnaissance votre serviteur le plus dévoué.

Autran

 

 

 

 

1Prosper, Amable Brugière, baron de Barante (1782-1866), historien et homme politique. Préfet sous l'Empire, conseiller d’État sous la Restauration, il sera nommé pair de France en 1819. Élu député du Puy-de-Dome dés le début de la Restauration il était un des principaux orateurs du parti des Doctrinaires. Devenu diplomate en 1820, il accueillera avec bienveillance l’avénement de la monarchie de Juillet apportant constamment son soutien à la majorité ministérielle. Définitivement éloigné de la scène politique après la révolution de 1848, il consacre son temps à l'écriture. On lui doit en effet de très nombreux travaux.

2Vitet, Louis Ludovic (1802-1873). Ancien élève de l’École Normale Supérieure, il collabora au Globe et publia divers ouvrages. Élu député de Bolbec (1834), il devint vice-président du Conseil d’État. Le 8 mai 1845, il entra à l’Académie française. Député à la Législative, il siégea avec la droite monarchiste. Il se retira dans la vie privée après le coup d’État. En 1871, il se fit élire à l’Assemblée Nationale. Il publia plusieurs ouvrages dont De l’état actuel du christianisme en France, en 1867.

3François Auguste Mignet (1796-1884), journaliste et historien. Il collabora avec Thiers au National (1829-1830). Auteur de divers ouvrages d’histoire dont une Histoire de la Révolution française (1824). Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences morales et politiques à partir de 1837. Très proche de Victor Cousin, il fut choisi avec Barthélémy St Hilaire et le notaire Fremyn comme exécuteur testamentaire.

4Pierre-Antoine Lebrun (1785-1873), homme politique et poète. Député, sénateur et pair de France, il était membre de l'Académie française depuis 1828.

5Doucet, Camille (1812-1895), directeur général de l’administration des théâtres, élu à l’Académie française le 7 avril 1865, secrétaire perpétuel en 1876.

6Villemain, Abel-François (1790-1870), critique littéraire, historien et homme politique français. Nommé professeur de littérature française à la Sorbonne en 1816, il fut élu cinq ans plus tard à l’Académie française. Il fut ministre de l’Instruction publique dans le ministère Soult (mai 1839-février 1840) et dans le ministère Soult-Guizot (octobre 1840-décembre 1844). Contraint, pour des raisons de santé de quitter la scène politique, il rentra dans la vie privée et rédigea plusieurs ouvrages sur l’histoire et la littérature.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «7 novembre 1863», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1863,mis à jour le : 19/02/2021