CECI n'est pas EXECUTE 4 juillet 1865

Année 1865 |

4 juillet 1865

Gustave de Beaumont à Alfred de Falloux

Beaumont La Chartre sur le Loir (Sarthe), 4 juillet 1865

Mon cher ami,

Pardon d’avoir tardé d’un seul jour de répondre à votre bonne lettre du 28 du mois dernier. Nul sujet ne saurait m’intéresser plus vivement que celui dont vous m’entretenez. Je me félicite bien souvent de l’analogie de nos travaux, à laquelle je dois avoir sans cesse sous les yeux, pour les miens, le meilleur modèle à imiter ; et de cette circonstance singulière qui nous a rendu tous les deux dépositaires des lettres, dont les auteurs correspondaient entre eux, et qui sont également dignes de la publicité. Je remercierais encore la fortune de cette coïncidence, alors même que je n’y trouverai que l’occasion si précieuse pour moi, mon cher ami, de quelques bons rapports avec vous, dans ce triste temps, qui sans avoir pu nous diviser, nous tient cependant si séparé les uns des autres.

Je m’empresse de vous dire que j’approuve entièrement tout ce que vous m’annoncez l’intention de faire, dans votre nouvelle édition, pour le meilleur arrangement des lettres de Madame Swetchine et de Tocqueville. Quant à la publication de la première partie de la lettre du 26 février, je n’y vois pas d’objection (à la condition de fixer la limite que vous posez vous-même dans votre lettre) si ce n’est peut-être que l’idée que Tocqueville exprime du poids accablant que le doute fait peser sur lui, se trouve déjà dans plusieurs autres lettres, et que le principal mérite de ce morceau comme œuvre de style, tient à ce développement qui suit, que nous avons dû supprimer, sur la volonté, que j’approuvais et persiste à approuver de madame de Tocqueville. Je crois, du reste, comme vous, qu’il n’y a aucun inconvénient, en supprimant dans la réplique de Madame Swetchine tout ce qui répond directement à la confession, à conserver cette phrase que vous me citer textuellement : « je ne redoute entre Dieu et vous que les téméraires «etc. » La première fois que je vous verrai, mon cher ami, je vous raconterai les dernières paroles que j’ai recueillies de la pauvre Madame de Tocqueville mourante au sujet de cette lettre. Vous en serez touché : et s’il vous reste quelque regret, vous reconnaîtrez du moins qu’il était impossible que nous ne fussions pas ce que nous avons fait. Mais quand nous retrouverons-nous ? Ce serait tout de suite assurément, s’il était en mon pouvoir de profiter de la liberté que vous me donnez si affectueusement d’aller vous chercher au Bourg d’Iré. Mais je suis en ce moment moins libre que jamais de mes mouvements. Vous savez, je crois que je me suis fait professeur. Il me reste encore environ cinq semaines de travail avant que l’année scolaire soit terminée, et quand mon petit écolier sera en vacances, j’ai l’espoir de voir arriver d’Afrique son grand frère, mon lieutenant que nous n’avons pas vu depuis quatre ans, et qui nous promet un petit congé. Vous jugez, si pour l’attendre, nous nous tiendrons sous les armes.

Pour la première fois cependant depuis 10 ans je crois avoir un termes prochains à l’absolue retraite dans laquelle ma femme1 et moi nous vivons ici : et si, comme je l’espère, nos projets s’accomplissent, nous irons l’hiver prochain, passer quelques mois à Paris pour y reprendre nos anciennes habitudes. Nous ne ferons une vraie joie de retrouver la nos vieux amis, et je n’ai pas besoin de vous dire, mon cher ami, que vous êtes en tête de ce que je me à tort est d’aller chercher. J’espère que vous êtes plus contents de votre santé et de celle de Madame de Falloux je regrette cependant que vous ne m’en disiez rien. Tout à vous de cœur.

G. de Beaumont

1Clémentine de Beaumont (1809-1886), née de LaFayette, petite-fille du marquis de La Fayette.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «4 juillet 1865», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1865,mis à jour le : 26/02/2021