Année 1856 |
11 août 1856
Alfred de Falloux à Charles de Montalembert
Bourg d’Iré, le 11 août 1856
Cher ami,
La lettre du cardinal de Reims1 ne m’ébranle pas dans l’avis du silence absolu pour le numéro prochain du Correspondant, mais je crois que l’on s’étonnera et qu’on nous reprochera notre silence. C’est ce que je souhaite. L’univers nous accusera d’avoir tu des pièces qui nous condamnent. Cela servira parfaitement notre réplique telle que je la concevrai. Pendant ce temps là l’article d’Albert de Broglie sur Jules Simon2 aura fortifié notre attitude comme vient de le faire votre article Palmerston3, sur lequel m’écrit-on, le nonce4 vient enfin d’être chargé de vous adresser des remerciements. Dans cet intervalle aussi, cher ami, bien d’autres choses se seront déroulées. Nous aurons eu le mandement de l’évêque de Poitiers5 et le travail de Veuillot sur la brochure, etc., etc.
Ma grande préoccupation serait donc notre rendez-vous de septembre. Il faudrait absolument selon moi, que Cochin fut présent, et que nous fussions réunis tous quatre au plus tard le sept ou huit septembre de façon à délibérer mûrement, et à écrire quelques pages qui devront être fort graves et paraître inévitablement dans le numéro de septembre.
Voilà, cher ami, mon avis très réfléchi. Je vous l’écris pour vous le soumettre, non pour le soutenir à outrance, si vous y répugnez formellement. Si au contraire vous le partagez ou l’adoptez veuillez écrire au prince de Broglie et à Cochin, pour bien préciser la date du rendez-vous. Je crois entrer dans votre pensée en limitant strictement cette réunion à nous quatre, mais Il va sans dire que si vous jugez à propos d’y adjoindre d’autres interlocuteurs, je vous supplie d’avance de disposer du Bourg d’Iré de la cave au grenier et d’écrire, en mon nom, tout ce que vous voudrez à tout ceux que vous voudrez, sans perdre votre temps à me consulter.
Je vous expédie ces quelques mots le plus vite possible pour éviter le croisement des lettres, et parce que l’apparition du numéro d’août approche.
Je vous embrasse tendrement et me sens une conscience d’une sécurité presque effrayante.
A de Falloux
1Mgr Gousset, Thomas Marie Joseph (1782-1866), archevêque de Reims et sénateur, il est alors l’un des évêques protecteurs de l’Univers et donc de Veuillot.
2Il s'agit sans doute du compte rendu que fit A. de Broglie du livre de Jules Simon, De la religion naturelle. Celui-ci sera publié dans le Correspondant du 25 août 1856.
3Ch. de Montalembert, « Palmerston et Pie IX », Le Correspondant, 25 juin 1856.
4Mgr Carlo Sacconi.Mgr Sacconi, nonce à Paris depuis le 24 octobre 1853.
