Année 1857 |
18 janvier 1857
Alfred de Falloux à Charles de Montalembert
18 janvier 1857
Ah, mon ami, que voilà un de mes vœux bien exaucés et que je voudrais qu’il en fut ainsi de beaucoup d’autres. C’est étincelant d’un bout à l’autre et vous y êtes dans la plénitude de vous-même comme dans l’œuvre à laquelle vous auriez attaché le plus de portée. Ma belle-mère1 qui est une de vos ferventes admiratrices, nous a lu ce morceau tout d’un bout et nous a tenu tous sous le même charme. Sachez du reste que depuis trois hyvers nous lisons St Simon2 le soir, et depuis trois ans nous disons : comme M. de Montalembert devrait commenter St-Simon ! Lui seul saurait en dire ce qu’on n’en pense pas assez ! Sachez bien en outre que je suis profondément de votre avis en faveur de notre époque préféré au XVIIIe siècle et une notable partie du XVIIe ; la réserve que je tiens à vous exprimer ne peux donc provenir d’aucune dissidence sur le jugement principal et ne porte que sur la sévérité trop amère des expressions de votre résumé. Malgré votre protestation contre les crimes vous admettez la révolution. Vous ne comprenez pas qu’il <phrase incompréhensible>, vous seront représentés en mille occasions très diverses, pensez-y bien. En lisant les admirables prières de la réconciliation de Saint-Étienne, je lisais : Dieu relève ce qui périt au lieu de frapper ce qui doit périr. Une monarchie si vieille et si glorieuse, une société méritante à tant de titres, ne portaient-elles donc en elle-même aucune voie de salut, aucun germe de restauration ? Et Danton était-il de successeur nécessaire de Saint-Louis ? Prenez garde à tout ce que amis et ennemis, tireront de tout ce résumé et croyez bien que vous pouvez l’adoucir, le nuancer ou le tempérer sans l’énerver dans son éloquence ou le modifier dans sa conclusion.
Cela vous étant soumis, cher ami, je ne vous aurai jamais applaudi ni embrassé de meilleur cœur !
Alfred
1Emilie-Marie-Charlotte de Caradeuc, née de Martel (1801-1882), mère de Marie de Falloux.
2Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon (1675-1755), Pair de France, courtisan et mémorialiste. Il fut un témoin essentiel de la fin du règne de Louis XIX et de la Régence.
