CECI n'est pas EXECUTE 10 juillet 1857

Année 1857 |

10 juillet 1857

Alfred de Falloux à Charles de Montalembert

10 juillet 1857

Cher ami,

Je ne vous écris surtout pas pour avoir de vos nouvelles ; j’en suis trop préoccupé pour vouloir vous coûter une seule fatigue et j’ai pris mes mesures autrement. Je viens donc uniquement vous rendre compte de ma soirée chez M. Biot1 le jour même où nous nous sommes séparés.

Vous allez recevoir sa notice en épreuve et je suis convaincu que vous serez contents de l’ensemble mais vous souhaiterez sans doute la retouche de quelques détails. Ne croyez pas que j’ai négligé de la solliciter. J’ai même au contraire mis beaucoup d’insistance. Je ne me suis arrêté qu’à la limite où j’ai senti l’étonnement naître, et le mécontentement commencer.

Non que le vénérable savant n’ait voulu être et n’ait été plein de bonne grâce, mais il lui était impossible de descendre de la région de ses pensées à celle des miennes. « Je parle aux vivants comme un mort, me répétait-il, sans cesse, je ne tiens compte d’aucun gouvernement ni d’aucune politique. Je dis la vérité telle que je l’ai vu ou telle que je la vois, rien ne m’en ferait sacrifier une syllabe »

Comme après tout, cher ami, ce caractère a sa grandeur et ressort pour tout lecteur intelligent de la lecture complète de l’article mais je n’ai pas cru devoir courir le risque de le faire perdre au Correspondant. Je me suis même promis de vous avertir afin que vous sachiez bien à quelle disposition d’esprit vous avez affaire et que vous n’entriez pas en correspondance directe sans pleine connaissance de cause. J’ai rendu compte de même, de mon échec à M. Douhaire2, afin qu’il en avertisse ceux qu’il a sous la main.

Je jouis pleinement de ma réunion de famille et de mon retour dans les champs, sans songer à l’académie. Je me flatte que Vichy3 a déjà commencé à vous rendre vos forces et je l’en bénis une fois de plus chaque fois que j’envisage la responsabilité dont il m’aura délivré. Soignez-vous donc bien, cher ami, pour vous, pour nous tous, pour le besoin que notre pays a de-vous plus que jamais et comptez moi toujours au premier rang de ceux dont le cœur y est le plus vivement et le plus profondément intéressé.

A. de Falloux

1Biot, Jean-Baptiste (1774-1862), scientifique. Successeur à l’Académie Française de Charles Lacretelle jeune, mort le 26 mars 1855, il y avait été élu le même jour qu'A. de Falloux, le 10 avril 1856.

2Douhaire, Pierre-Paul (1802-1889), rédacteur et gérant du Correspondant.

3Station thermale.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «10 juillet 1857», correspondance-falloux [En ligne], Année 1857, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Année 1852-1870, Second Empire,mis à jour le : 22/03/2021