CECI n'est pas EXECUTE 16 décembre 1857

Année 1857 |

16 décembre 1857

Alfred de Falloux à Charles de Montalembert

16 décembre 1857

Cher ami

Je viens de lire dans l’Univers l’article par lequel Veuillot veut bien nous avertir que tout ses sentiments de commisération sont épuisés, et qu’il va commencer une campagne à outrance et personnel. Je n’ai pas besoin de vous dire combien cette menace nous resserrerait tous autour de vous, si nous eussions eu besoin d’un stimulant, mais grâce à Dieu, cette protestation vous est bien superflu, et je ne veux que vous dire deux mots de première impression au point de vue de notre cause et de notre œuvre en général.

Je suis profondément convaincu que Veuillot fait une faute et une faute très grave dans son propre intérêt : le public appartient peu en ce moment aux polémiques violentes. Rome redoute le bruit et reconnaît de plus en plus le tort que lui a fait à elle-même la ligne sur laquelle elle était si aveuglée au début du Correspondant.

Je me garderai de dire avant de connaître l’attaque de Veuillot qu’il ne faudra rien, ni jamais lui répondre. Mais je n’hésite pas à dire, dès aujourd’hui, cher ami, qu’il faut le laisser d’abord avec un imperturbable sang-froid produire et développer son attaque ; le laisser étaler à loisir son orgueil, son venin et toutes les basses passions qui le dominent depuis tant d’années, sans distraire ni diviser le public dans le cours de cette contemplation. La réplique venant ensuite, si elle doit venir aura commencé par prouver qu’elles étaient bien maîtresses d’elle-même, aura le droit de dédaigner les incidences secondaires et s’attachera avec d’autant plus de clarté et de puissance au cœur des questions. Non seulement, cher ami, ce calme patient aura selon moi d’énormes avantages, mais la ligne contraire aurait à mes yeux des inconvénients multiples et infinis. Je ne vous ennuie pas de tout ce que j’envisagerais sur ce sujet, parce que je suis très persuadé que vous ne le démontrerez tout aussi bien vous-même. J’ai voulu seulement vous serrer la main une fois de plus, et avec plus de dévouement encore, si cela m’était possible, et vous demandez en même temps d’être plus préoccupé que jamais de votre côté de nécessité et de sentiment de la plus étroite union, du plus intime accord dans la parole et dans les actes.

À vous de tout cœur.

Alfred


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «16 décembre 1857», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1857,mis à jour le : 23/03/2021