CECI n'est pas EXECUTE Mars 1858

Année 1858 |

Mars 1858

Alfred de Falloux à Charles de Montalembert

Mars 1858

Très cher ami, Madame de Falloux elle-même eut étouffé son haut cri et je me serait arraché à l’attrait d’un printemps dont on n’a pas idée rue du Bac1 si je ne traversais en ce moment une véritable crise de névralgie ? Encore est-ce une traversée ? Cela tourne presque au tic douloureux, les insomnies m’exténuent et j’ai le sentiment profondément sincère que je vous arriverais seulement pour me coucher à côté de vous et vous faire compassion sans profit. J’éprouve donc beaucoup de regrets, chers amis, et point de remords. Présentez bien spécialement mes excuses à M. Foisset et demandez-lui de vous accompagner au Bourg d’Iré, s’il reste quelque semaines encore à Paris à moins qu’il ne soit assez bienveillant pour venir tout seul.

Votre séjour ici est ce qui me guérira, cher ami, en me donnant une de mes plus vives jouissances de ce monde, sans m’arracher un milieu de paix et de silence extérieur qui est pour le moment ou pour toujours mon indispensable condition de vie. Quant à l’académie j’en suis vraiment préoccupé, vous pouvez bien le croire, quand il s’agit d’un vote, et elle eut suffi à m’attirer si je m’étais senti libre ; du reste, je ne garderai pas longtemps la faculté de me soigner ainsi. L’âge de ma fille nous fixera l’année prochaine à Paris pour un temps indéterminé. Ce sera alors un devoir auquel tout sera sacrifié, et qui me permettra j’espère, de remplir les autres à votre satisfaction.

J’ai écrit au Père Lacordaire, pour le remercier du précieux envoi de son œuvre complète2 et lui rappeler sa promesse pour les premiers jours de mai. N’allez pas le retarder ou le dérouter, je vous mets cela sur la conscience ! Je vous ai tant parlé de moi qu’il ne va plus me rester de place pour Madame de Montalembert3, ni pour vous. Vous me pardonnerez, comme je me le permets avec la pensée du prochain revoir. Je crois qu’il n’y a plus rien à écrire désormais au sujet de Monsieur de M. mais il y aura certainement beaucoup à nous en entretenir. Dites, je vous en prie, à Buffet, combien je lui reste cordialement attaché, et combien je jouirai de notre rapprochement. Je ne puis assez vous féliciter et vous remercier encore de ces admirables lettres du père Lacordaire. Jamais le premier coup de pioche dans une <mot illisible> nouvelle n’a révélé et fait jaillir plus de diamants ! Si vous obtenez quelque chose pour Turquety4 faites moi annoncer par Fontaine5 ou faites le lui dire directement, afin qu’il sente que l’ombre de Mme Swetchine ne le délaisse pas. Songez je vous en supplie,moins à la suite du travail du Pce Troubetskoï6 il n’y a plus pour cela que le numéro prochain au mois de mai. L’auteur sera revenu de Russie et l’ouvrage paraîtra en brochure ; nous perdrions là un sujet des plus graves et une opportunité.

Mille et mille tendresses, cher ami, au revoir, au revoir

A. de F.

1Domicile parisien des Montalembert.

2Sans doute s’agit-il de son livre Lettres d’un jeune homme sur la vie chrétienne que venait de publier le dominicain.

3Marie-Anne Henriette dite Anna de Montalembert, née de Mérode (1818-1904), veuve de Charles de Montalembert avec qui elle s'était mariée en 1836.

4Édouard Turquety (1807-1867), poète français.

5Secrétaire de Falloux.

6Pierre Troubetskoï (1826-1880), prince.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «Mars 1858», correspondance-falloux [En ligne], Année 1852-1870, Second Empire, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1858,mis à jour le : 23/03/2021