CECI n'est pas EXECUTE 25 avril 1859

Année 1859 |

25 avril 1859

Alfred de Falloux à Charles de Montalembert

Paris, 25 avril 1859

Cher ami,

Je vous réponds courrier par courrier, par conséquent entrer à la hâte. Je vais à l’instant même, les Néothermes1 étant livré aux maçons, m’établir dans une maison d’hydrothérapie, à Auteuil, rue Boileau numéro 10. Je compte y rester jusqu’au 25 mai ; mais si vous me promettez alors ce que vous me faites espérer aujourd’hui, je ferais tout au monde pour m’entendre avec vous.

Madame de Rauzan2 ne va pas mal ; j’ai passé deux heures à causer avec elle hier ; je lui transmettrai vos tendres reproches.

Cochin a eu la fièvre, des souffrances d’entrailles, des mouvements de bile, la semaine sainte, une chronique sur l’Italie qui, longuement discuté avec moi est à peine achevée, a été déchiré par l’ultimatum autrichien. Soyez sûr qu’il n’y a pas d’autres causes à son silence et reconnaissait que c’est bien assez. Hier, jour de Pâques, il était encore dans son lit à 10 heures et me disait qu’il vous écrirait dans l’après-midi s’il allait mieux.

Douhaire3 a fait les mêmes confidences à Cochin qu’à vous, lequel Cochin lui a déjà répondu, en qualité de témoin du fait qu’il ne pouvait comprendre comment il le traduisait ainsi. La vérité est que, Buffet et moi discutant sur l’insertion d’un article de Lavillemarqué4 pour lequel j’opinais, et moi tenant déjà la porte pour m’en aller, Douhaire intervint pour dire qu’il y aurait peut-être lieu de préférer un article composé à un article qui ne l’était pas. Je répondis en riant : Bah, bah, ce sont des raisons de paresse ; il ne faut compter qu’avec le mérite des articles et je m’en fus sans me douter que j’eusse pu faire l’ombre d’une blessure. Cochin avait une impression si conforme à la mienne qu’avant de m’en avoir parlé, il répondit à Douhaire que je n’avais pas besoin d’être consulté sur mon intention, que je serais certainement étonné qu’on fie une affaire d’une plaisanterie si inoffensive et Douhaire avait paru satisfait. Reste à savoir maintenant si sa lettre à vous est postérieure à cette explication. Pour moi qui n’ai absolument que sentiment de sympathie envers lui je suis prêt à les lui exprimer sous toutes les formes que vous voudrez ; mais ne trouverez-vous pas qu’il y a quelqu’inconvénient à fomenter un défaut de caractère qui perce quelquefois d’une manière fâcheuse en dehors de notre petit conseil.

J’ai choisi Auteuil comme me tirant de Paris et me permettant cependant de venir avec exactitude à l’académie et au Correspondant. Je vous enverrai donc les réponses que vous souhaitez aussitôt que possible. Villemain5 sort de chez moi à l’instant même. Il a fort agrée la lecture de mon chapitre de Mme de Duras à l’académie. L’aspect de Paris est bien sombre aujourd’hui. Il n’y a évidemment pour point de départ ni une illusion ni une fidélité. Jamais la fortune n’aura été plus maîtresse de ses caprices !!!

Mille et mille tendresses. Je ne sais si je n’ai pas dépassé l’heure de la poste.

A. de F.

P.S.

Je vais envoyer à Dijon l’exemplaire de Cochin qu’on pourra copier et lui envoyer. Pour moi, je n’en possède pas un

 

 

 

 

 

 

1Institut d’hydrothérapie, rue de la Victoire, Paris (IXe).

2Rauzan, Claire Henriette Philippine Benjamine, duchesse de (1799-1863), fille de la duchesse de Duras, elle avait épousé le duc Henri-Louis de Rauzan en 1819.

3Douhaire, Pierre-Paul (1802-1889), rédacteur et gérant du Correspondant.

4Théodore Hersart, vicomte de La Villemarqué (1815-1895), philologue, spécialiste de la culture bretonne, on lui doit notamment Barzaz Breiz, un receuil de chants populaires de Bretagne.

5Villemain, Abel-François (1790-1870), critique littéraire, historien et homme politique français. Nommé professeur de littérature française à la Sorbonne en 1816, il fut élu cinq ans plus tard à l’Académie française. Il fut ministre de l’Instruction publique dans le ministère Soult (mai 1839-février 1840) et dans le ministère Soult-Guizot (octobre 1840-décembre 1844). Contraint, pour des raisons de santé de quitter la scène politique, il rentra dans la vie privée et rédigea plusieurs ouvrages sur l’histoire et la littérature.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «25 avril 1859», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1859,mis à jour le : 23/03/2021