CECI n'est pas EXECUTE 25 août 1867

Année 1867 |

25 août 1867

Alfred de Falloux à Charles de Montalembert

Paris, 80, rue de Lille, le 25 août 1867

Très cher ami,

C'est bien malgré moi que j'ai gardé le silence envers vous et assurément par faute d'y songer. J'ai d'abord médité le projet d'aller vous voir avant la séance de l'académie de façon à éviter le voisinage du congrès de Malines1 et à jouir de vous sans partage. Mais il fallait pour cela que mon frère2, qui venait en Bretagne uniquement pour vous, fut exact à sa première date. Il a été obligé, au contraire, de la retarder beaucoup et je ne pouvais plus partir au moment de son arrivée. Sur ces entrefaites, j'ai reçu des appels et quiproquos d'Orléans3. Cochin me pressait aussi de partir avec. J'en étais j'en suis encore fort tenté, seulement il faut que je prenne pour dernier juge l'état dans lequel je me trouverais au lendemain de la séance. Je condamne mon infortuné secrétaire à me lire mon discours une fois par jour depuis une huitaine afin de savoir à peu près par cœur et pour que ma mémoire permette à mes yeux de se mêler le moins possible de cette affaire. Mais, comment cela réussira-t-il ? Rien ne me trouble plus que l'académie parce que là on est en représentation pour sa pure vanité et non pour l'accomplissement d'un devoir comme vous et moi nous l'étions dans les chambres ou dans la presse. Entre une timidité qui sera profonde, le travail plus ou moins intense de mes yeux, plus rebelle que jamais, je ne sais pas pourquoi mais de temps <mot illisible> dans mon lit cette journée que vous me pardonnerez cependant d'avoir souhaité quand vous aurez lu l'histoire de Monsieur Lebrun et d’Anastasie Gaudin4.

En résumé, cher ami, si je le puis-je je partirai avec grand bonheur le 31, si je ne le fais pas, c'est que je serais réduit à une impossibilité absolue. Quant au logement dont vous avez la bonté de vous occuper, je suis convaincu que je n'en profiterais pas : d'abord il est impossible que là nous ne pesions pas sur vous plus qu'ailleurs. La pensée que vous avez deux ou trois de vos amis dans une niche à Fidèle et que vous ne leur accorderez qu'une demi-heure sur 24 heures vous sera certainement importune, vous ferez des efforts, vous vous imposerez des souffrances et je crois que les autres comme moi feraient mieux de se créer un quartier général à Bruxelles d'où ils iraient passer tantôt une heure à Rixensart, tantôt une journée à Malines. Pour mon propre compte, c'est ce que je serais résolu à faire si je peux faire quelque chose et si les deux évêques d'Orléans que je dois voir demain ou après-demain ne me donnent pas d'impérieuse raisons pour changer de vie. Le seul point sur lequel je ne changerai pas, soyez-en sûr, c'est le désir de vous revoir de vous embrasser.

Alfred

1Malines, en Belgique. Un congrès catholique international devait s’y tenir et Falloux était invité à faire un discours.

3Mgr Dupanloup.

4Falloux prononça le 29 août 1867 un discours sur le prix de vertu à l’Académie française. Il y est question de Anastasie Gaudin et du prix Souriau qui lui fut attribué par l’Académie.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «25 août 1867», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1867,mis à jour le : 15/04/2021