CECI n'est pas EXECUTE 17 octobre 1883

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17 octobre 1883

Charles-Albert Costa de Beauregard à Alfred de Falloux

Mérieux par Morestel, Isère, ce 17 octobre 1883

Monsieur le comte,

L’Union de l’Ouest m’apporte votre souvenir si bienveillant. Je vous en remercie. Il a cicatrisé les petites écorchures que m’a value ma prose. On la trouve décolletée et d’une familiarité trop grande. En ce dernier point de vue la critique est peut-être juste. Mais, tout le monde n’a pas des poumons à emboucher la trompette de Jéricho.

La <mot illisible> et l’évêque d’Autun1 y avaient tant soufflé d’ailleurs, que, bien sûr, les murailles me seraient tombées ado, si j’avais recommencé derrière eux. Je crois aussi m’être brouillé avec sa naïveté, M. Lagrange. Il est donc difficile de traiter la modestie avec une considération assez distinguée ! Je ne célébrerais, désormais, que les péchés capitaux ; ils doivent être moins exigeants et moins susceptibles que les vertus théologales. Quoi qu’il en soit des petits froissements présents et avenir, votre approbation me suffit. Je me suis repris à Monsieur de Virieu2, de façon à pouvoir vous apporter, au printemps, le livre fini. Bien des gens, à propos de ce livre ce RI seront encore. Qu’importe. Au rebours de la de la définition philosophique «  le vrai et ce qui me plaît » je crois que le vrai y est précisément ce qui ne plaît pas.

Je pense aller à Paris ces jours-ci. Je tâcherai de pousser jusqu’à Eu. Mais hélas ! J’y arriverai bon dernier ! Tous les d’Artagnan de la région en ont, depuis longtemps, pris le chemin, avec grande allure de leur vieux cheval Bouton-d’or. Tout est dans pour le mieux. Mais il serait fâcheux que l’on donnât à tous ces dévouements, pleins d’impétuosité, le temps de se reconnaître. On pourrait, on devrait, je crois, les battre pendant qu’ils sont chauds ; or rien de pareil ce me semble, n’est essayé ici. De grâce n’allez pas croire qu’en vous disant ceci, je désire les fonctions de marteau ou d’enclume. 3Mon ambition est pleinement satisfaite de n’être rien autre chose que le plus respectueux et le plus obligeant de vos obligés.

M. Costa

1Mgr Perraud Adolphe Louis Albert (1828-1906), prélat. Prêtre de l'Oratoire de France en 1855, professeur d'histoire de l’Église à la Sorbonne en 1865, il fut nommé évêque d'Autun en 1874, puis cardinal en 1893.Normalien de la promotion About, Sarcey, Taine, Weiss, il fut l'auteur de plusieurs ouvrages religieux, l'Histoire de l'Oratoire en France au XVIIIe et au XIXesiècle, de plusieurs études sur le cardinal de Richelieu, le Père Gratry, d'oraisons funèbres et de panégyriques. Il fut élu à l'Académie le 8 juin 1882 en remplacement d'Auguste Barbier qui avait exprimé, avant de mourir, le désir de l'avoir pour successeur, et reçu le 19 avril 1883 par Camille Rousset. Lorsque S. E. le cardinal Perraud arriva au conclave de 1903 qui suivit la mort du pape Léon XIII, le cardinal camerlingue le complimenta et le félicita d'appartenir à l'Académie française.

2Virieu François-Henri, marquis de (1754-1793), militaire et homme politique français, d'abord favorable aux idées de la Révolution française, il la combattit par la suite.

3Château d’Eu, en Normandie (Seine-Maritime), résidence de Philippe d’Orléans, alors candidat des conservateurs qui espèrent encore un rétablissement de la monarchie.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «17 octobre 1883», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1883,mis à jour le : 21/04/2021