CECI n'est pas EXECUTE 29 août 1884

1884 |

29 août 1884

Charles-Albert Costa de Beauregard à Alfred de Falloux

Brides les bains, Savoie ce 29 août [1884]

Votre lettre m’a rejoint à Brides. C’est un petit coin perdu, où je suis à l’abri de la compassion des indifférents. C’est beaucoup, quand on n’a besoin que de véritable affection. La vôtre a ce titre, m’a été si bienfaisante, que la reconnaissance m’attacherait encore plus tendrement à vous si je pouvais l’être. Après toutes ces émotions, j’ai bien de la peine à me remettre au travail. J’ai refusé au Correspondant une petite étude qu’il me demandait sur J. de Maistre1, à propos de la réédition de ses œuvres complètes. Je me repens aujourd’hui de mon impertinence et je viens d’écrire à Lavedan le contraire de ce que je lui écrivais il y a 15 jours. Mais en outre n’aura-t-il pas été plus avisé que moi ? L’article de Ludre2 me laisserait le temps de me retourner. À propos du Correspondant vous ne sauriez croire quelles foudres votre dernier article a attiré sur ma tête. Comme je passais l’autre jour, dans la rue, un capucin tragique m’a apostrophé nous étions certainement encore à cent mètres l’un de l’autre en me criant : « Eh bien êtes-vous toujours avec Dupanloup, Falloux et autres loups ? » vous conviendrez, Monsieur le comte, que mes capucins sont charmants.

Veuillez dire à votre entourage combien je suis reconnaissant de son souvenir et agréez l’expression de mon respect bien affectueux.

1Maistre, Joseph de (1753-1821), philosophe. Savoyard, il était sujet du roi de Piémont-Sardaigne. Magistrat au Sénat de Savoie comme son père, il quitta la Savoie à l'arrivée des troupes françaises en septembre 1792 et se réfugia en Piémont puis en Suisse. Il publia, en 1797, son premier ouvrage Les considérations sur la France. Rentré en Italie en 1799, il fut chargé par le roi de Sardaigne de le représenter auprès du tsar. Il resta en poste à Saint-Pétersbourg jusqu'en 1817. Revenu en Italie, il mourut à Turin. Auteur de plusieurs ouvrages, Essai sur le principe générateur des constitutions politiques (1814), Du Pape (1819) et Les Soirées de Saint-Pétersbourg (ouvrage publié en 1821 peu après sa mort), De Maistre, comme De Bonald, refusa tout compromis avec les principes nouveaux issus de la révolution. Mme Swetchine et Joseph de Maistre avaient lié connaissance en Russie.

2Ludre, Gaston de (1830-1897), oncle d’Albert de Mun, il est alors collaborateur du Correspondant et le sera durant trente ans.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «29 août 1884», correspondance-falloux [En ligne], 1884, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République,mis à jour le : 21/04/2021