CECI n'est pas EXECUTE 27 juin 1866

Année 1866 |

27 juin 1866

Pauline Craven à Alfred de Falloux

Cava1 (Salerne), 27 juin 1866

C’est en arrivant à Naples que j’ai reçu votre lettre, mon cher monsieur de Falloux. Votre lettre excellente si consolante, si précieuse pour moi ! Je n’ai pu vous ne répondre comme je l’aurais voulu, le jour même. Mais maintenant que me voici parvenu dans ma retraite, j’ai besoin de vous dire, à tête reposée, tout le bien que vous m’avez fait. Il y a eu en moi et autour de moi tant de difficultés à vaincre, tant de répugnances et d’obstacles à surmonter pour accomplir ma tâche qu’il m’est impossible de vous dire quelle est la valeur d’une approbation telle que la vôtre. Je vous l’avoue, je n’ai jamais craint que l’on me reprochat de m’être trompée en trouvant belles toutes ces pages demeurées entre mes mains. Mais l’autre question plus douteuse, plus délicate, la question de convenance, d’opportunité de respect pour mes propres souvenirs qui aurait pu m’inspirer celui du silence. Je n’ai pu la trancher sans conserver à cet égard une anxiété que la moindre parole réveille. Votre lettre la résout cette fois d’une façon si calmante que je ne crois plus pouvoir retomber dans aucun doute. Quelque soient les opinions contraires qui me reviendront d’un côté ou de l’autre. En tout cas je vous remercie de tout mon cœur de m’avoir dit ce qu’il m’est si doux que vous pensiez. Et je garde votre lettre pour la relire si jamais je reprends ou si l’on me rend la crainte d’avoir mal fait.

Tandis que je vous crois dans le profond silence, d’un lieu que je crois être le plus beau de ce beau pays aussi le plus paisible. La guerre a commencé son œuvre ! Et les premières nouvelles qui nous parviennent aujourd’hui ne sont pas favorables aux armées italiennes. Vous en aurez de la joie je le sais bien. Il est probable que lorsque cette lettre vous parviendra les événements auront marché et tout sera peut-être décidé. Je vous fais donc grâce des réflexions et d’appréhensions qui n’auront plus le moindre à propos. Mais on ne peut être aussi voisine que je le suis d’une pareille lutte sans ressentir une émotion qui jure simplement avec le repos profond le silence de cette belle nature.

M. Nacé est en ce moment aller chercher les nouvelles à Naples mais il m’a bien recommandé de ne pas l’oublier. Il est plus facile de dénier à l’Autriche la victoire partout que de la vouloir, comme moi victorieuse en Allemagne et vaincue en Italie. Toutefois l’embarras d’un succès complet de l’Autriche de ce côté-ci des Alpes serait si grand qu’il me semble impossible de le souhaiter. Mais peut-être suis-je influencé par l’atmosphère que j’ai trouvé pour parvenir jusqu’ici. Enfin <deux mots illisibles> en répondant à votre lettre dont il a été heureux autant que moi-même.

Mille amitiés inaltérables.

Mme Craven

 

 

 

1Cava ‘de Tireni, province de Salerne, en Italie.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «27 juin 1866», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1866,mis à jour le : 26/05/2021